Tribune de Bob Woodward et Hubert Védrine : Obama, l’homme des compromis

La Libye est le premier conflit dans lequel Barack Obama a personnellement décidé d’impliquer les États-Unis : reconnaissez-vous dans cette décision le « président de guerre « sur lequel vous avez enquêté pour votre livre?

Bob WOODWARD. – Oui, totalement. Pour ce livre, je l’ai mis jour après jour sous microscope, et l’on voit que sa méthode est le compromis. Il prend quelque chose de la posture anti-guerre, quelque chose de la droite pro-guerre et il les mixe. Les militaires voulaient 40000 hommes en renfort en Afghanistan, le vice-président Joe Biden penchait pour 20000 : il en a envoyé 30000, pile entre les deux. En Libye, il a choisi une guerre qui, à mon sens, le positionne idéalement sur le plan politique. Il se montre ferme, ce qui plaît aux républicains, il soutient une mission humanitaire, ce qui a un écho positif chez les démocrates, mais il annonce d’emblée une guerre limitée, le compromis étant que nous ne cherchons pas à renverser militairement Kadhafi. Et, ingrédient important, il proclame qu’il n’y aura pas de troupes au sol.

Hubert VÉDRINE. – Moi, je n’ai pas été surpris par sa décision, car il me semble qu’il était impossible, compte tenu des circonstances, de laisser se dérouler le massacre de Benghazi, quoi qu’on pense par ailleurs. Même si Obama n’avait sans doute pas envie de s’engager dans une autre guerre. Mais je voudrais vous demander : par quel mot peut-on définir la méthode de décision d’Obama? En quoi est-elle comparable ou totalement différente de Johnson au Vietnam, de Clinton en Yougoslavie ou de Bush en Irak?

B. W. – Elle tient en un mot ou presque : la recherche du compromis, trouver une voie médiane qui ne lui coûte pas trop cher politiquement.

Cela fait-il une « doctrine Obama «?

B. W. – Il y a des caractéristiques, mais il n’y a pas de doctrine. La clé pour comprendre Obama, c’est que ce n’est pas un doctrinaire. C’est un avocat qui recherche le point d’équilibre entre des intérêts divers. À l’opposé de Bush, qui m’a dit un jour à propos de l’Irak : « Je suis convaincu que c’est notre devoir de libérer les peuples». Il y a deux cultures stratégiques dans la politique étrangère américaine : l’une relève de la croisade morale, idéaliste – « on va régler les problèmes du monde» -, à l’instar de Wilson et Bush, l’autre est réaliste, semi-isolationniste – « on s’occupe d’abord de nos affaires, à moins d’un intérêt suprême, comme lorsqu’on est attaqués «. Chez Obama, ces deux doctrines sont colocataires de son cerveau. Il y a d’autres pièces remplies d’autres idées, c’est un esprit complexe. Le résultat est un style très personnel de leadership, imprévisible.

H. V. – Une chose m’a frappé dans votre livre. L’intelligence exceptionnelle d’Obama est évidente. Malgré cela, on a l’impression qu’il est confronté à un système incroyablement lourd et contraignant de concertation entre les ministères, les agences, etc., qui restreint ses options. Ce système passe son temps à lui donner de fausses options. Obama doit arracher aux militaires des options vraies. Ses qualités personnelles impressionnantes font-elles la différence dans ce système très laborieux?

B. W. – Quand j’ai interviewé Obama pour ce livre, nous avons parlé de la guerre en général. Il a évoqué son fameux discours de 2002 contre la guerre en Irak. Il a expliqué qu’il détestait la guerre, que la tâche du commandant en chef était de gérer le chaos… Dans son discours de réception du prix Nobel de la paix, il disait que la guerre est parfois nécessaire, mais qu’elle n’est jamais glorieuse. Voilà pourquoi Obama cherche constamment une position médiane entreles différentes recommandations.

H. V. – Mais alors c’est un arbitre…

B. W. – Bien dit. C’est exactement ça. Vous avez dit que la perspective d’un massacre à Benghazi rendait une action militaire nécessaire. Malheureusement la situation est la même dans de nombreux pays, regardez la Côte d’Ivoire. Ce qui a rendu la Libye si unique n’est toujours pas clair à mes yeux.

H. V. – En tant qu’Occidentaux, nous restons très dépendants des choix de l’Amérique. Il me semble qu’à partir des positions d’Obama, on peut gérer l’arc de crise extraordinairement complexe qui va de la Mauritanie à l’Afghanistan. Il peut y avoir une politique sur la longue durée, comme l’Amérique a su en avoir une face à l’Union soviétique. Si elle devait revenir à une position « bushiste «, ce serait terriblement inquiétant.

B. W. – Vous voyez des choses que personne d’autre ne voit. Un dessein? J’aimerais identifier une stratégie. Nous sommes en territoire inconnu. C’est ce qui inquiète beaucoup de gens à propos de l’opération en Libye. Franchement, je ne sais pas s’il était sage ou pas d’intervenir.

Hubert Védrine, vous êtes l’inventeur du concept d’» hyperpuissance « à propos des États-Unis post-guerre froide. Quand on voit aujourd’hui Washington laisser Paris et Londres en première ligne dans l’affaire libyenne ou encourager la France et l’ONU à intervenir militairement en Côte d’Ivoire, ce retrait s’exerce-t-il au détriment de la puissance américaine?

H. V. – Mon expression d’hyperpuissance photographiait un moment particulier, la décennie après la fin de l’URSS, en gros l’ère Clinton. En français, il n’y a rien de péjoratif dans ce mot. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans ce cas-là. J’ai le sentiment qu’Obama a l’intuition que l’Amérique doit exercer un leadership indispensable mais relatif. En même temps, j’ai l’impression que c’est un peu sophistiqué pour l’Amérique, qui veut diriger.

B. W. – Je crois qu’il y a une part de vrai. Dans sa gestion des guerres d’Afghanistan et d’Irak, Obama voit une entreprise plus vaste, qui consiste à ramener les ressources et l’attention sur les problèmes intérieurs du pays. C’est ce qu’il veut avant tout. Il veut être réélu, et on y parvient en montrant qu’on est fort et qu’on protège le pays. Il doit aussi montrer à son parti qu’il n’est pas George Bush. Aux États-Unis, Obama a été critiqué à propos de la Libye pour s’être laissé mener par la France et la Grande-Bretagne. Il a été à la traîne.

H. V. – Une question centrale n’est, me semble-t-il, jamais posée en ces termes aux États-Unis : a-t-on vraiment besoin de contrôler l’Afghanistan pour se protéger du retour d’al-Qaida?

B.W.– C’est une question importante. Joe Biden l’a posée, il a défendu cet argument. Le problème, c’est que la guerre d’Afghanistanest devenue, dans le discours politique aux États-Unis, une « guerre de nécessité « découlant du 11 Septembre. Nous devons y être engagés pour supprimer toute velléité d’al-Qaida d’y revenir. Donc, si Obama avait dit non aux renforts de troupes, il risquait de faire face à des démissions en série au Pentagone, du chef d’état-major au secrétaire à la Défense. Aucun président, encore moins un jeune démocrate sans expérience, n’aurait pu surmonter une telle vague de défiance. Certains en ont conclu que le Pentagone avait pris l’ascendant sur le président. J’imagine que, de son point de vue, il a limité les ambitions des militaires.

H. V. – J’ai travaillé avec trois Administrations : Reagan, Clinton et Bush à ses débuts. Ce que je vais dire n’est donc pas spécifique à l’une d’elles. Mais on a l’impression que les alliés de l’Amérique comptent pour du beurre. Ils comptent éventuellement pour fournir quelques troupes en plus, jamais pour la réflexion stratégique. Ce n’est ni nouveau ni surprenant. Mais cela reste très frappant, alors qu’il y a de vifs débats dans nos pays sur la nécessité ou pas de rester en Afghanistan. Quand Nicolas Sarkozy a décidé le retour de la France dans l’Otan, il a dit que cela nous donnerait une influence déterminante sur l’Alliance et sur la conduite de la guerre. Je ne soulève pas une question politicienne: l’Amérique ne se prive-t-elle pas de conseils ou d’analyses politiques intéressantes? Vous avez tant de mal à vous mettre d’accord entre vous qu’il ne reste aucune marge de manoeuvre pour discuter avec vos alliés.

B. W. – Vous mettez le doigt sur une vérité. L’égocentrisme américain traverse toutes les Administrations. Elles pensent : « Nous avons la puissance, c’est à nous de prendre les décisions. « C’est une illusion de Nicolas Sarkozy d’avoir cru qu’un retour dans l’Otan se solderait par plus d’influence. La concentration du pouvoir entre les mains de la présidence américaine n’a cessé de croître ces dernières années. Tout passe par la Maison-Blanche. C’est malheureux, mais il n’y a ni consultations ni écoute.

Barack Obama est désormais officiellement candidat à sa succession en 2012. Diriez-vous l’un et l’autre que sa politique étrangère sera un de ses atouts dans la campagne?

H. V. – Pour un président américain, il est vital de maintenir le leadership de son pays et de le protéger des risques qui le menacent. Cela fait partie du job. L’a-t-il fait? Moi, je pense qu’il sera réélu. Il n’a pas failli sur ce point. Je le trouve très intelligent, il a une vision stratégique à long terme, que la plupart des dirigeants européens n’ont pas. Le discours du Caire était remarquable en ce qu’il imaginait une relation Islam- Occident dans la longue durée. Mais je me demande parfois si, entre la vision stratosphérique d’Obama, le côté Harvard, qui dépasse le simple politicien, et le très bon travail technocratique de Hillary Clinton, il ne manque pas un maillon stratégique, du genre de Henry Kissinger.

B. W. – Je suis légèrement perplexe devant un tel éloge de la sagesse d’Obama assorti d’autant de critiques! Sera-t-il réélu? Je laisserai la réponse à Donald Rumsfeld : « C’est l’une des nombreuses inconnues que nous ignorons!» La Maison-Blanche est dans la même situation que l’Irak tel que le général Petraeus l’a longtemps décrit : il y a du progrès, mais tout cela reste fragile et réversible.

*»Les Guerres d’Obama»,
Bob Woodward, Denoël.

Tribune de Bob Woodward et Hubert Védrine : Obama, l’homme des compromis

Hubert Vedrine

Tribune de Bob Woodward et Hubert Védrine : Obama, l’homme des compromis

La Libye est le premier conflit dans lequel Barack Obama a personnellement décidé d’impliquer les États-Unis : reconnaissez-vous dans cette décision le « président de guerre « sur lequel vous avez enquêté pour votre livre?

Bob WOODWARD. – Oui, totalement. Pour ce livre, je l’ai mis jour après jour sous microscope, et l’on voit que sa méthode est le compromis. Il prend quelque chose de la posture anti-guerre, quelque chose de la droite pro-guerre et il les mixe. Les militaires voulaient 40000 hommes en renfort en Afghanistan, le vice-président Joe Biden penchait pour 20000 : il en a envoyé 30000, pile entre les deux. En Libye, il a choisi une guerre qui, à mon sens, le positionne idéalement sur le plan politique. Il se montre ferme, ce qui plaît aux républicains, il soutient une mission humanitaire, ce qui a un écho positif chez les démocrates, mais il annonce d’emblée une guerre limitée, le compromis étant que nous ne cherchons pas à renverser militairement Kadhafi. Et, ingrédient important, il proclame qu’il n’y aura pas de troupes au sol.

Hubert VÉDRINE. – Moi, je n’ai pas été surpris par sa décision, car il me semble qu’il était impossible, compte tenu des circonstances, de laisser se dérouler le massacre de Benghazi, quoi qu’on pense par ailleurs. Même si Obama n’avait sans doute pas envie de s’engager dans une autre guerre. Mais je voudrais vous demander : par quel mot peut-on définir la méthode de décision d’Obama? En quoi est-elle comparable ou totalement différente de Johnson au Vietnam, de Clinton en Yougoslavie ou de Bush en Irak?

B. W. – Elle tient en un mot ou presque : la recherche du compromis, trouver une voie médiane qui ne lui coûte pas trop cher politiquement.

Cela fait-il une « doctrine Obama «?

B. W. – Il y a des caractéristiques, mais il n’y a pas de doctrine. La clé pour comprendre Obama, c’est que ce n’est pas un doctrinaire. C’est un avocat qui recherche le point d’équilibre entre des intérêts divers. À l’opposé de Bush, qui m’a dit un jour à propos de l’Irak : « Je suis convaincu que c’est notre devoir de libérer les peuples». Il y a deux cultures stratégiques dans la politique étrangère américaine : l’une relève de la croisade morale, idéaliste – « on va régler les problèmes du monde» -, à l’instar de Wilson et Bush, l’autre est réaliste, semi-isolationniste – « on s’occupe d’abord de nos affaires, à moins d’un intérêt suprême, comme lorsqu’on est attaqués «. Chez Obama, ces deux doctrines sont colocataires de son cerveau. Il y a d’autres pièces remplies d’autres idées, c’est un esprit complexe. Le résultat est un style très personnel de leadership, imprévisible.

H. V. – Une chose m’a frappé dans votre livre. L’intelligence exceptionnelle d’Obama est évidente. Malgré cela, on a l’impression qu’il est confronté à un système incroyablement lourd et contraignant de concertation entre les ministères, les agences, etc., qui restreint ses options. Ce système passe son temps à lui donner de fausses options. Obama doit arracher aux militaires des options vraies. Ses qualités personnelles impressionnantes font-elles la différence dans ce système très laborieux?

B. W. – Quand j’ai interviewé Obama pour ce livre, nous avons parlé de la guerre en général. Il a évoqué son fameux discours de 2002 contre la guerre en Irak. Il a expliqué qu’il détestait la guerre, que la tâche du commandant en chef était de gérer le chaos… Dans son discours de réception du prix Nobel de la paix, il disait que la guerre est parfois nécessaire, mais qu’elle n’est jamais glorieuse. Voilà pourquoi Obama cherche constamment une position médiane entreles différentes recommandations.

H. V. – Mais alors c’est un arbitre…

B. W. – Bien dit. C’est exactement ça. Vous avez dit que la perspective d’un massacre à Benghazi rendait une action militaire nécessaire. Malheureusement la situation est la même dans de nombreux pays, regardez la Côte d’Ivoire. Ce qui a rendu la Libye si unique n’est toujours pas clair à mes yeux.

H. V. – En tant qu’Occidentaux, nous restons très dépendants des choix de l’Amérique. Il me semble qu’à partir des positions d’Obama, on peut gérer l’arc de crise extraordinairement complexe qui va de la Mauritanie à l’Afghanistan. Il peut y avoir une politique sur la longue durée, comme l’Amérique a su en avoir une face à l’Union soviétique. Si elle devait revenir à une position « bushiste «, ce serait terriblement inquiétant.

B. W. – Vous voyez des choses que personne d’autre ne voit. Un dessein? J’aimerais identifier une stratégie. Nous sommes en territoire inconnu. C’est ce qui inquiète beaucoup de gens à propos de l’opération en Libye. Franchement, je ne sais pas s’il était sage ou pas d’intervenir.

Hubert Védrine, vous êtes l’inventeur du concept d’» hyperpuissance « à propos des États-Unis post-guerre froide. Quand on voit aujourd’hui Washington laisser Paris et Londres en première ligne dans l’affaire libyenne ou encourager la France et l’ONU à intervenir militairement en Côte d’Ivoire, ce retrait s’exerce-t-il au détriment de la puissance américaine?

H. V. – Mon expression d’hyperpuissance photographiait un moment particulier, la décennie après la fin de l’URSS, en gros l’ère Clinton. En français, il n’y a rien de péjoratif dans ce mot. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans ce cas-là. J’ai le sentiment qu’Obama a l’intuition que l’Amérique doit exercer un leadership indispensable mais relatif. En même temps, j’ai l’impression que c’est un peu sophistiqué pour l’Amérique, qui veut diriger.

B. W. – Je crois qu’il y a une part de vrai. Dans sa gestion des guerres d’Afghanistan et d’Irak, Obama voit une entreprise plus vaste, qui consiste à ramener les ressources et l’attention sur les problèmes intérieurs du pays. C’est ce qu’il veut avant tout. Il veut être réélu, et on y parvient en montrant qu’on est fort et qu’on protège le pays. Il doit aussi montrer à son parti qu’il n’est pas George Bush. Aux États-Unis, Obama a été critiqué à propos de la Libye pour s’être laissé mener par la France et la Grande-Bretagne. Il a été à la traîne.

H. V. – Une question centrale n’est, me semble-t-il, jamais posée en ces termes aux États-Unis : a-t-on vraiment besoin de contrôler l’Afghanistan pour se protéger du retour d’al-Qaida?

B.W.– C’est une question importante. Joe Biden l’a posée, il a défendu cet argument. Le problème, c’est que la guerre d’Afghanistanest devenue, dans le discours politique aux États-Unis, une « guerre de nécessité « découlant du 11 Septembre. Nous devons y être engagés pour supprimer toute velléité d’al-Qaida d’y revenir. Donc, si Obama avait dit non aux renforts de troupes, il risquait de faire face à des démissions en série au Pentagone, du chef d’état-major au secrétaire à la Défense. Aucun président, encore moins un jeune démocrate sans expérience, n’aurait pu surmonter une telle vague de défiance. Certains en ont conclu que le Pentagone avait pris l’ascendant sur le président. J’imagine que, de son point de vue, il a limité les ambitions des militaires.

H. V. – J’ai travaillé avec trois Administrations : Reagan, Clinton et Bush à ses débuts. Ce que je vais dire n’est donc pas spécifique à l’une d’elles. Mais on a l’impression que les alliés de l’Amérique comptent pour du beurre. Ils comptent éventuellement pour fournir quelques troupes en plus, jamais pour la réflexion stratégique. Ce n’est ni nouveau ni surprenant. Mais cela reste très frappant, alors qu’il y a de vifs débats dans nos pays sur la nécessité ou pas de rester en Afghanistan. Quand Nicolas Sarkozy a décidé le retour de la France dans l’Otan, il a dit que cela nous donnerait une influence déterminante sur l’Alliance et sur la conduite de la guerre. Je ne soulève pas une question politicienne: l’Amérique ne se prive-t-elle pas de conseils ou d’analyses politiques intéressantes? Vous avez tant de mal à vous mettre d’accord entre vous qu’il ne reste aucune marge de manoeuvre pour discuter avec vos alliés.

B. W. – Vous mettez le doigt sur une vérité. L’égocentrisme américain traverse toutes les Administrations. Elles pensent : « Nous avons la puissance, c’est à nous de prendre les décisions. « C’est une illusion de Nicolas Sarkozy d’avoir cru qu’un retour dans l’Otan se solderait par plus d’influence. La concentration du pouvoir entre les mains de la présidence américaine n’a cessé de croître ces dernières années. Tout passe par la Maison-Blanche. C’est malheureux, mais il n’y a ni consultations ni écoute.

Barack Obama est désormais officiellement candidat à sa succession en 2012. Diriez-vous l’un et l’autre que sa politique étrangère sera un de ses atouts dans la campagne?

H. V. – Pour un président américain, il est vital de maintenir le leadership de son pays et de le protéger des risques qui le menacent. Cela fait partie du job. L’a-t-il fait? Moi, je pense qu’il sera réélu. Il n’a pas failli sur ce point. Je le trouve très intelligent, il a une vision stratégique à long terme, que la plupart des dirigeants européens n’ont pas. Le discours du Caire était remarquable en ce qu’il imaginait une relation Islam- Occident dans la longue durée. Mais je me demande parfois si, entre la vision stratosphérique d’Obama, le côté Harvard, qui dépasse le simple politicien, et le très bon travail technocratique de Hillary Clinton, il ne manque pas un maillon stratégique, du genre de Henry Kissinger.

B. W. – Je suis légèrement perplexe devant un tel éloge de la sagesse d’Obama assorti d’autant de critiques! Sera-t-il réélu? Je laisserai la réponse à Donald Rumsfeld : « C’est l’une des nombreuses inconnues que nous ignorons!» La Maison-Blanche est dans la même situation que l’Irak tel que le général Petraeus l’a longtemps décrit : il y a du progrès, mais tout cela reste fragile et réversible.

*»Les Guerres d’Obama»,
Bob Woodward, Denoël.

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07/04/2011