Allocution d’Hubert Védrine à la World Policy Conference à Marrakech, 2009

Je suis très heureux d’avoir l’occasion d’entamer la réflexion de notre table ronde sur ce sujet de la gouvernance mais je vous dirai d’emblée que je rencontre une difficulté: je suis presque entièrement d’accord avec l’intervention remarquable de Thierry de Montbrial qui, par anticipation, a englobé l’ensemble des débats de ces deux jours et fixé un cadre très ambitieux à nos travaux. Partant de là, je vais avancer des réflexions sur deux points. D’abord, sur le concept même et le mot de «gouvernance» et sur la façon dont on peut, ou non, s’en servir dans les travaux de cette réunion et des futures. Ensuite sur ce qui est en train de se passer autour du G20 et, sur tout ce qui en découle.

Sur le premier point, nous employons le mot «gouvernance», par commodité. Thierry de Montbrial en a donné une traduction positive et concrète: c’est le mode nécessaire de coordination, de concertation, de coopération de l’ensemble des acteurs, à commencer par les Etats, qui gardent la primauté. Ce mot a pris un sens différent dans la période d’euphorie qui a saisi les Occidentaux, en particulier à travers l’interprétation héroïque de la «chute» du mur, en fait l’ouverture du mur par un régime exsangue. La «gouvernance» est-ce que les linguistes appellent «un mot valise». Chacun lui donne le sens qui lui convient. De quoi s’agit-il? C’est la gouvernance de qui sur qui ou de quoi sur qui et de qui sur quoi? De quelle règle sur qui ou sur quoi, élaborées par qui? Il y a plusieurs questions qui se posent et c’est là que l’on retrouve la question des Etats. Mais est-ce que ce sont les Etats les plus forts? Vous vous rappelez des Etats-Unis triomphants d’après la fin de l’URSS, quand j’avais employé le mot d’«hyper puissance» (qui n’était pas agressif en français contrairement au sens d’«Hyper» en anglais) mais désignait la plus grande puissance de tous les temps. Je suis d’accord pour dire que ce pays gardera le leadership pendant encore très longtemps.

La gouvernance, est-ce un autre mot pour le gouvernement des plus forts? Ou pour le classique gouvernement des Etats? On sait que même si ceux-ci gardent la primauté, ils ne sont plus, depuis longtemps, les seuls acteurs dans le jeu international. Cela désigne-t-il la croyance dans un marché qui se substitue peu à peu à tous les autres centres de décision, d’orientation, et de prévision et qui serait capable de s’autoréguler, (ce qui est une vaste farce, on l’a vu)? Beaucoup de gens l’ont dit et l’ont cru.

Je recommande pour cette table ronde, comme pour les réunions suivantes, que chaque fois que ce mot sera employé il soit accompagné d’une traduction rigoureuse. Il y a beaucoup de mots vagues qui obscurcissent la réflexion «Communauté internationale» est un terme sympathique mais prématuré chaque fois il vaut mieux par ce qu’il désigne exactement. Même chose pour «gouvernance».

Autre remarque: Il faut faire attention à la dimension éventuellement déresponsabilisante de l’adjectif «global». C’est devenu une banalité de dire aujourd’hui: tout est global. Et alors? Si tout est global, qui fait quoi? On nous dit: tout est global, donc la réponse devrait être globale.

Qu’est-ce que cela veut dire?

Cela peut vouloir dire: au fond, cela ne me concerne plus (moi l’individu, moi un gouvernement). Si «global», c’est une sorte d’entité abstraite au-dessus des états, comme l’idée que l’on faisait de l’ONU, avant la désillusion. En fait il n’y a pas et il n’y aura pas de président global du peuple global parce que l’illusion du monde homogénéisé soit par la conception (mal traduite) de Fukuyama, ou les thèses de Thomas Friedman, tout cela est largement inexact. Il faut plutôt dire: à problèmes globaux réponse collective, et pas globale. Si l’on veut préciser «global», on entre assez vite dans la question de qui fait quoi. Et là j’en viens à la question du G20.

L’existence même du G20 est un aveu. Si les Occidentaux le pouvaient, vous pensez bien qu’ils décideraient de tout à trois, comme c’était le cas après la Première guerre mondiale: Wilson, Lloyd George et Clémenceau, ou après la Deuxième guerre mondiale: Staline, Roosevelt puis Truman, Churchill décidèrent de tout. Aujourd’hui, les Occidentaux se sont résignés à un G20. Les Occidentaux qui ont eu le monopole de la puissance et de l’action stratégique dans le monde depuis environ quatre siècles! Le changement est phénoménal.

Dans les années 70 il y a eu le G7 au sein duquel 5 pays comptaient. Il y a eu en 1989 une tentative de Mitterrand pour réunir une sorte de sommet nord/sud avant le G7 de l’Arche mais les participants au G7 ont récusé tout lien. Une autre tentative, par Jacques Chirac, qui avait invité en 2003 au Sommet des 8 à Evian 27 pays et non pas simplement 8, là aussi blocage des membres du G8 classique. Il a fallu une circonstance grave, la crise, un président, George Bush, à bout de souffle, la présidence de Nicolas Sarkozy et son énergie personnelle pour que la création du G20 soit acté.

Qu’est-ce qui va se passer maintenant? Cela va dépendre de l’attitude des uns et des autres dans le G20. Ce serait une nouvelle chimère, qui nous ferait perdre à nouveau des années, si on pensait que le G20 est le gouvernement du monde global. C’est faux. Le G20 sera une des enceintes au sein de laquelle se poursuivra la compétition. En effet mous ne sommes pas dans un monde multipolaire stable, mais dans une compétition multipolaire, éventuellement une bagarre multipolaire. La façon dont cela va tourner au sein du G20 va dépendre du comportement des principaux protagonistes. Si les Occidentaux, à commencer par les Etats-Unis, acceptent le passage à un leadership relatif (puisqu’ils ont perdu le monopole de l’histoire qu’ils avaient et que, comme le disent Socrate et Brzezinski, c’est la première fois dans l’histoire du monde que tous les peuples sont politiquement actifs), ils peuvent prendre ce tournant au mieux de leurs intérêts. Barack Obama a suffisamment d’intelligence pour cela, mais est-ce qu’il sera suivi? On ne sait pas.

Dans l’hypothèse positive, les Occidentaux arriveraient à mener ce que j’ai appelé dans l’un de mes essais une sorte de smart realpolitik, donc à la fois réaliste et intelligente en intégrant toutes les nouvelles données du monde. Les européens, s’ils sont capables de dépasser leur nombrilisme, s’organiseraient eux aussi dans le G20 pour gérer ce passage, douloureux pour eux mais inévitable. Mais il y a les autres, les grands pays émergents. Longtemps la Chine a dit: «Tout ce que vous nous racontez sur les règles internationales, les questions sociales, les droits de l’homme, l’écologie, c’est uniquement une façon de freiner notre ascension. C’est de l’hypocrisie occidentale. Vous avez fait cela vous-mêmes quand vous vous êtes développés».

Je prends la Chine parce que je n’ai pas le temps d’énumérer tous les pays émergents. Si les pays émergents raisonnent comme cela, ils entrent dans le système mondial non pas parce qu’on a eu la bonté de leur faire une place mais simplement parce qu’ils la prennent et que ce n’est plus possible autrement, mais sans chercher à développer un engagement responsable. Ils avancent leurs pions le plus possible avant d’accepter de nouvelles règles. L’issue n’est pas écrite d’avance. Depuis des années les Chinois disent: « Ne vous inquiétez pas, l’émergence de la Chine est pacifique, etc.» J’ai entendu ce qu’a dit Thierry de Montbrial du jugement des chinois sur la façon qu’ont les Occidentaux de s’enferrer dans des politiques erronées au Moyen-Orient ou ailleurs. Donc, on ne sait pas à l’avance comment vont se comporter les grands émergents. Est-ce qu’ils vont continuer à accepter l’idée d’une responsabilité collective à Copenhague et après? Il se peut qu’il y ait un temps de latence avant qu’ils y arrivent.

L’évolution du G20 dépendra aussi du fait de savoir, comme certains le prévoient, s’il y aura un G2: Chine/Etats-Unis. Mon intuition est plutôt que pour la Chine, c’est flatteur comme une étape transitoire mais que pour les Etats-Unis, même si c’est inévitable dans les domaines monétaires et commerciaux, ce n’est pas acceptable et que les Etats-Unis feront tout tant qu’ils pourront pour garder un leadership certes relatif, mais au-dessus pour ne pas être enfermés dans ce face à face exclusif.

Enfin, il reste la question qui intéresse les pays qui ne sont pas dans le G20 (et qui ne sont pas tout à fait 190 moins parce que le G20 comprend déjà 30 participants). Il y a 150 à 160 pays qui ne sont pas du tout représentés dans le G20. Est-ce que le G20 va s’articuler bien avec les autres? Il le devra d’une façon ou d’une autre mais ce n’est pas écrit d’avance.

Il y a donc un scénario décevant dans lequel on assisterait encore et toujours à des discours sans fin, à des conférences sans résultat, à des engagements aussi illusoires que ceux des «objectifs du millénaire», évidemment inatteignables quand les Nations-Unies les avaient adoptés, tout le monde le savait. Et il y a un scénario plus positif dans lequel on verrait les Occidentaux réagir plus intelligemment, et les pays émergents s’engager plus, petit à petit, le tout formant un «concert mondial». A ce moment là, une sorte de dynamique vertueuse pourrait entraîner les uns et les autres dans un nouveau processus. Alors, mais alors seulement, on pourrait parler de gouvernance appuyée sur de nouveaux principes, et une nouvelle universalité reformulée avec tous les partenaires ce qui marquerait un progrès sur la célèbre référence à: «Nous les peuples des Nations-Unies» qui avait été écrit en 1945 par 3 directeurs juridiques! Ce rendez-vous est devant nous, pas derrière nous, sous prétexte qu’on a déjà adopté les textes universels.

Si cette dynamique positive se développe vraiment, on peut même espérer voir le déblocage de la réforme des Nations-Unies par le détours d’un G20 qui aurait réussi à créer un nouveau climat politique et rendu inutiles ou dépassés les blocages de la réforme du Conseil.

Terminons sur ce scénario positif, encourageant.

Allocution d’Hubert Védrine à la World Policy Conference à Marrakech, 2009

Hubert Vedrine

Allocution d’Hubert Védrine à la World Policy Conference à Marrakech, 2009

Je suis très heureux d’avoir l’occasion d’entamer la réflexion de notre table ronde sur ce sujet de la gouvernance mais je vous dirai d’emblée que je rencontre une difficulté: je suis presque entièrement d’accord avec l’intervention remarquable de Thierry de Montbrial qui, par anticipation, a englobé l’ensemble des débats de ces deux jours et fixé un cadre très ambitieux à nos travaux. Partant de là, je vais avancer des réflexions sur deux points. D’abord, sur le concept même et le mot de «gouvernance» et sur la façon dont on peut, ou non, s’en servir dans les travaux de cette réunion et des futures. Ensuite sur ce qui est en train de se passer autour du G20 et, sur tout ce qui en découle.

Sur le premier point, nous employons le mot «gouvernance», par commodité. Thierry de Montbrial en a donné une traduction positive et concrète: c’est le mode nécessaire de coordination, de concertation, de coopération de l’ensemble des acteurs, à commencer par les Etats, qui gardent la primauté. Ce mot a pris un sens différent dans la période d’euphorie qui a saisi les Occidentaux, en particulier à travers l’interprétation héroïque de la «chute» du mur, en fait l’ouverture du mur par un régime exsangue. La «gouvernance» est-ce que les linguistes appellent «un mot valise». Chacun lui donne le sens qui lui convient. De quoi s’agit-il? C’est la gouvernance de qui sur qui ou de quoi sur qui et de qui sur quoi? De quelle règle sur qui ou sur quoi, élaborées par qui? Il y a plusieurs questions qui se posent et c’est là que l’on retrouve la question des Etats. Mais est-ce que ce sont les Etats les plus forts? Vous vous rappelez des Etats-Unis triomphants d’après la fin de l’URSS, quand j’avais employé le mot d’«hyper puissance» (qui n’était pas agressif en français contrairement au sens d’«Hyper» en anglais) mais désignait la plus grande puissance de tous les temps. Je suis d’accord pour dire que ce pays gardera le leadership pendant encore très longtemps.

La gouvernance, est-ce un autre mot pour le gouvernement des plus forts? Ou pour le classique gouvernement des Etats? On sait que même si ceux-ci gardent la primauté, ils ne sont plus, depuis longtemps, les seuls acteurs dans le jeu international. Cela désigne-t-il la croyance dans un marché qui se substitue peu à peu à tous les autres centres de décision, d’orientation, et de prévision et qui serait capable de s’autoréguler, (ce qui est une vaste farce, on l’a vu)? Beaucoup de gens l’ont dit et l’ont cru.

Je recommande pour cette table ronde, comme pour les réunions suivantes, que chaque fois que ce mot sera employé il soit accompagné d’une traduction rigoureuse. Il y a beaucoup de mots vagues qui obscurcissent la réflexion «Communauté internationale» est un terme sympathique mais prématuré chaque fois il vaut mieux par ce qu’il désigne exactement. Même chose pour «gouvernance».

Autre remarque: Il faut faire attention à la dimension éventuellement déresponsabilisante de l’adjectif «global». C’est devenu une banalité de dire aujourd’hui: tout est global. Et alors? Si tout est global, qui fait quoi? On nous dit: tout est global, donc la réponse devrait être globale.

Qu’est-ce que cela veut dire?

Cela peut vouloir dire: au fond, cela ne me concerne plus (moi l’individu, moi un gouvernement). Si «global», c’est une sorte d’entité abstraite au-dessus des états, comme l’idée que l’on faisait de l’ONU, avant la désillusion. En fait il n’y a pas et il n’y aura pas de président global du peuple global parce que l’illusion du monde homogénéisé soit par la conception (mal traduite) de Fukuyama, ou les thèses de Thomas Friedman, tout cela est largement inexact. Il faut plutôt dire: à problèmes globaux réponse collective, et pas globale. Si l’on veut préciser «global», on entre assez vite dans la question de qui fait quoi. Et là j’en viens à la question du G20.

L’existence même du G20 est un aveu. Si les Occidentaux le pouvaient, vous pensez bien qu’ils décideraient de tout à trois, comme c’était le cas après la Première guerre mondiale: Wilson, Lloyd George et Clémenceau, ou après la Deuxième guerre mondiale: Staline, Roosevelt puis Truman, Churchill décidèrent de tout. Aujourd’hui, les Occidentaux se sont résignés à un G20. Les Occidentaux qui ont eu le monopole de la puissance et de l’action stratégique dans le monde depuis environ quatre siècles! Le changement est phénoménal.

Dans les années 70 il y a eu le G7 au sein duquel 5 pays comptaient. Il y a eu en 1989 une tentative de Mitterrand pour réunir une sorte de sommet nord/sud avant le G7 de l’Arche mais les participants au G7 ont récusé tout lien. Une autre tentative, par Jacques Chirac, qui avait invité en 2003 au Sommet des 8 à Evian 27 pays et non pas simplement 8, là aussi blocage des membres du G8 classique. Il a fallu une circonstance grave, la crise, un président, George Bush, à bout de souffle, la présidence de Nicolas Sarkozy et son énergie personnelle pour que la création du G20 soit acté.

Qu’est-ce qui va se passer maintenant? Cela va dépendre de l’attitude des uns et des autres dans le G20. Ce serait une nouvelle chimère, qui nous ferait perdre à nouveau des années, si on pensait que le G20 est le gouvernement du monde global. C’est faux. Le G20 sera une des enceintes au sein de laquelle se poursuivra la compétition. En effet mous ne sommes pas dans un monde multipolaire stable, mais dans une compétition multipolaire, éventuellement une bagarre multipolaire. La façon dont cela va tourner au sein du G20 va dépendre du comportement des principaux protagonistes. Si les Occidentaux, à commencer par les Etats-Unis, acceptent le passage à un leadership relatif (puisqu’ils ont perdu le monopole de l’histoire qu’ils avaient et que, comme le disent Socrate et Brzezinski, c’est la première fois dans l’histoire du monde que tous les peuples sont politiquement actifs), ils peuvent prendre ce tournant au mieux de leurs intérêts. Barack Obama a suffisamment d’intelligence pour cela, mais est-ce qu’il sera suivi? On ne sait pas.

Dans l’hypothèse positive, les Occidentaux arriveraient à mener ce que j’ai appelé dans l’un de mes essais une sorte de smart realpolitik, donc à la fois réaliste et intelligente en intégrant toutes les nouvelles données du monde. Les européens, s’ils sont capables de dépasser leur nombrilisme, s’organiseraient eux aussi dans le G20 pour gérer ce passage, douloureux pour eux mais inévitable. Mais il y a les autres, les grands pays émergents. Longtemps la Chine a dit: «Tout ce que vous nous racontez sur les règles internationales, les questions sociales, les droits de l’homme, l’écologie, c’est uniquement une façon de freiner notre ascension. C’est de l’hypocrisie occidentale. Vous avez fait cela vous-mêmes quand vous vous êtes développés».

Je prends la Chine parce que je n’ai pas le temps d’énumérer tous les pays émergents. Si les pays émergents raisonnent comme cela, ils entrent dans le système mondial non pas parce qu’on a eu la bonté de leur faire une place mais simplement parce qu’ils la prennent et que ce n’est plus possible autrement, mais sans chercher à développer un engagement responsable. Ils avancent leurs pions le plus possible avant d’accepter de nouvelles règles. L’issue n’est pas écrite d’avance. Depuis des années les Chinois disent: « Ne vous inquiétez pas, l’émergence de la Chine est pacifique, etc.» J’ai entendu ce qu’a dit Thierry de Montbrial du jugement des chinois sur la façon qu’ont les Occidentaux de s’enferrer dans des politiques erronées au Moyen-Orient ou ailleurs. Donc, on ne sait pas à l’avance comment vont se comporter les grands émergents. Est-ce qu’ils vont continuer à accepter l’idée d’une responsabilité collective à Copenhague et après? Il se peut qu’il y ait un temps de latence avant qu’ils y arrivent.

L’évolution du G20 dépendra aussi du fait de savoir, comme certains le prévoient, s’il y aura un G2: Chine/Etats-Unis. Mon intuition est plutôt que pour la Chine, c’est flatteur comme une étape transitoire mais que pour les Etats-Unis, même si c’est inévitable dans les domaines monétaires et commerciaux, ce n’est pas acceptable et que les Etats-Unis feront tout tant qu’ils pourront pour garder un leadership certes relatif, mais au-dessus pour ne pas être enfermés dans ce face à face exclusif.

Enfin, il reste la question qui intéresse les pays qui ne sont pas dans le G20 (et qui ne sont pas tout à fait 190 moins parce que le G20 comprend déjà 30 participants). Il y a 150 à 160 pays qui ne sont pas du tout représentés dans le G20. Est-ce que le G20 va s’articuler bien avec les autres? Il le devra d’une façon ou d’une autre mais ce n’est pas écrit d’avance.

Il y a donc un scénario décevant dans lequel on assisterait encore et toujours à des discours sans fin, à des conférences sans résultat, à des engagements aussi illusoires que ceux des «objectifs du millénaire», évidemment inatteignables quand les Nations-Unies les avaient adoptés, tout le monde le savait. Et il y a un scénario plus positif dans lequel on verrait les Occidentaux réagir plus intelligemment, et les pays émergents s’engager plus, petit à petit, le tout formant un «concert mondial». A ce moment là, une sorte de dynamique vertueuse pourrait entraîner les uns et les autres dans un nouveau processus. Alors, mais alors seulement, on pourrait parler de gouvernance appuyée sur de nouveaux principes, et une nouvelle universalité reformulée avec tous les partenaires ce qui marquerait un progrès sur la célèbre référence à: «Nous les peuples des Nations-Unies» qui avait été écrit en 1945 par 3 directeurs juridiques! Ce rendez-vous est devant nous, pas derrière nous, sous prétexte qu’on a déjà adopté les textes universels.

Si cette dynamique positive se développe vraiment, on peut même espérer voir le déblocage de la réforme des Nations-Unies par le détours d’un G20 qui aurait réussi à créer un nouveau climat politique et rendu inutiles ou dépassés les blocages de la réforme du Conseil.

Terminons sur ce scénario positif, encourageant.

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31/10/2009