« L’Occident doit se résoudre à traiter la Russie en partenaire difficile, mais obligé »

Le monde a été choqué par les attentats du 13 novembre. Ce choc est-il en train de rebattre les cartes de la géopolitique au Moyen-Orient ?
Les attentats sont une des conséquences, une des manifestations – affreuses – de l’affrontement au sein de l’islam, partout dans le monde où il y a des musulmans, entre une toute petite minorité qui veut imposer sa conception meurtrière de l’islam, et aussi de la décomposition du Moyen-Orient tel qu’il était organisé après la Première Guerre mondiale. Ces évènements n’en sont pas la cause. Mais ils auront, ils ont déjà, d’importantes conséquences politiques et diplomatiques.

Le président de la République française a appelé de ses vœux la formation d’une grande coalition avec la Russie et l’Iran. Est-ce un tournant majeur de la politique étrangère de la France ? Doit-on s’en féliciter ?
Le président Hollande a eu raison de reprendre à Versailles l’objectif d’une grande et unique coalition contre Daech. Elle doit inclure les Etats-Unis, la Russie, la France, d’autre Européens, la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Iran. Elle doit être cautionnée par le Conseil de sécurité. Elle doit être politique, avec des conférences au sommet. Etre militaire, avec un état-major interallié. Et se mettre d’accord sur l’objectif politique à atteindre après en Irak, et en Syrie. On ne détruit bien (Daech) que ce que l’on remplace.

Le combat contre Daech doit-il être la priorité ? Peut-on vaincre ce mouvement et contribuer à rétablir un minimum d’ordre au Moyen-Orient ?
Cette question est maintenant tranchée. Oui c’est ce qu’il faut faire, consécutivement.

Les bombardements contre des positions de Daech en Syrie et en Irak sont-ils utiles ?
Sur le terrain militaire, on y est contraint. Evidemment cela ne règle pas tout. Mais l’absence de bombardements ne règlerait pas, non plus, le problème.
S’il n’y avait pas eu de bombardements des alliés en Irak, Daech serait déjà à Bagdad. C’est tout le problème de la stratégie militaire. On peut toujours s’interroger sur l’efficacité des bombardements. Mais il faut se méfier du réflexe qui consiste à isoler une mesure militaire d’une mesure politique pour se demander sans arrêt si cela suffit. Ces bombardements font partie d’une action militaire et politique d’ensemble.

Peut-on aujourd’hui se rapprocher du président Bachar Al Assad ?
C’est moralement impossible, et presque inutile : il dépend de l’Iran et de la Russie. C’est à eux, au sein de la grande coalition, d’assurer les relations avec Damas. Mais les Européens pourraient utilement renvoyer des diplomates à Damas, mais pas au niveau d’un ambassadeur.

L’Union européenne est-elle à risque face à l’afflux de réfugiés ?
Oui si les Européens ne clarifient pas vite leurs positions.

Que doit faire l’Europe ?
Il faut une harmonisation des critères d’asile, et une répartition régulière et équitable des réfugiés. Il est nécessaire de rétablir un contrôle effectif aux frontières extérieures de Schengen. Ensuite seulement, le rétablissement de la liberté de circulation au sein de Schengen pourra être réalisé. Par ailleurs, il faut parvenir à une cogestion des flux migratoires « normaux », avec les pays de départ et de transit.

« L’Occident doit se résoudre à traiter la Russie en partenaire difficile, mais obligé »

Hubert Vedrine

« L’Occident doit se résoudre à traiter la Russie en partenaire difficile, mais obligé »

Le monde a été choqué par les attentats du 13 novembre. Ce choc est-il en train de rebattre les cartes de la géopolitique au Moyen-Orient ?
Les attentats sont une des conséquences, une des manifestations – affreuses – de l’affrontement au sein de l’islam, partout dans le monde où il y a des musulmans, entre une toute petite minorité qui veut imposer sa conception meurtrière de l’islam, et aussi de la décomposition du Moyen-Orient tel qu’il était organisé après la Première Guerre mondiale. Ces évènements n’en sont pas la cause. Mais ils auront, ils ont déjà, d’importantes conséquences politiques et diplomatiques.

Le président de la République française a appelé de ses vœux la formation d’une grande coalition avec la Russie et l’Iran. Est-ce un tournant majeur de la politique étrangère de la France ? Doit-on s’en féliciter ?
Le président Hollande a eu raison de reprendre à Versailles l’objectif d’une grande et unique coalition contre Daech. Elle doit inclure les Etats-Unis, la Russie, la France, d’autre Européens, la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Iran. Elle doit être cautionnée par le Conseil de sécurité. Elle doit être politique, avec des conférences au sommet. Etre militaire, avec un état-major interallié. Et se mettre d’accord sur l’objectif politique à atteindre après en Irak, et en Syrie. On ne détruit bien (Daech) que ce que l’on remplace.

Le combat contre Daech doit-il être la priorité ? Peut-on vaincre ce mouvement et contribuer à rétablir un minimum d’ordre au Moyen-Orient ?
Cette question est maintenant tranchée. Oui c’est ce qu’il faut faire, consécutivement.

Les bombardements contre des positions de Daech en Syrie et en Irak sont-ils utiles ?
Sur le terrain militaire, on y est contraint. Evidemment cela ne règle pas tout. Mais l’absence de bombardements ne règlerait pas, non plus, le problème.
S’il n’y avait pas eu de bombardements des alliés en Irak, Daech serait déjà à Bagdad. C’est tout le problème de la stratégie militaire. On peut toujours s’interroger sur l’efficacité des bombardements. Mais il faut se méfier du réflexe qui consiste à isoler une mesure militaire d’une mesure politique pour se demander sans arrêt si cela suffit. Ces bombardements font partie d’une action militaire et politique d’ensemble.

Peut-on aujourd’hui se rapprocher du président Bachar Al Assad ?
C’est moralement impossible, et presque inutile : il dépend de l’Iran et de la Russie. C’est à eux, au sein de la grande coalition, d’assurer les relations avec Damas. Mais les Européens pourraient utilement renvoyer des diplomates à Damas, mais pas au niveau d’un ambassadeur.

L’Union européenne est-elle à risque face à l’afflux de réfugiés ?
Oui si les Européens ne clarifient pas vite leurs positions.

Que doit faire l’Europe ?
Il faut une harmonisation des critères d’asile, et une répartition régulière et équitable des réfugiés. Il est nécessaire de rétablir un contrôle effectif aux frontières extérieures de Schengen. Ensuite seulement, le rétablissement de la liberté de circulation au sein de Schengen pourra être réalisé. Par ailleurs, il faut parvenir à une cogestion des flux migratoires « normaux », avec les pays de départ et de transit.

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23/11/2015