Politique étrangère commune: encore beaucoup de travail!

S’il est ratifié le Traité constitutionnel donnera-t-il naissance à une vraie politique étrangère européenne et à une Europe puissance? Il comporte déjà des améliorations qui faciliteront l’élaboration et la mise en œuvre de la politique étrangère de l’Union, cette partie de leur politique étrangère que les Etats membres mettent en commun, au-delà de leurs politiques étrangères nationales, qui perdureront.

Quelles sont ces améliorations?

L’Union sera dotée de la personnalité juridique. Le mandat du Président du Conseil sera porté à deux ans et demi. Les fonctions de Haut Représentant et de Commissaire pour les relations extérieures seront fusionnées en un «ministre» européen des affaires étrangères, vice-Président de la Commission (Javier Solana est déjà désigné), qui disposera de moyens budgétaires conséquents et d’un «service européen d’action extérieure» appelé à devenir important. Il contribuera à l’élaboration de la politique étrangère, de sécurité et de défense commune. Il la conduira et la mettra en oeuvre en tant que mandataire du Conseil.

Ces rationalisations et ces simplifications garantissent-elles une harmonisation automatique des Vingt Cinq? Naturellement non. Est-ce que cela créera une Union plus efficace? Probablement. Une Europe puissance? Non, cela ne suffira pas.

Pour ceux, dont je ne fais pas partie, qui idéalisent ce que serait dans l’état actuel des choses une politique étrangère européenne unique, tout cela ne va pas assez loin. Or les positions françaises étant sur la plupart des sujets minoritaires dans l’Europe à vingt cinq-vingt sept, cela serait aujourd’hui inconséquent. Le Traité constitutionnel parce qu’il maintenant l’unanimité dans ces domaines constitue un progrès raisonnable et un cadre approprié où les Européens pourront agir de façon de plus en plus unifiée sans renier leurs spécificités.

En sens inverse, certains opposants au Traité feignent de découvrir l’appartenance de presque tous les Etats membres, y compris de la France, à l’OTAN. Ils présentent l’article 1-41-2, qui le rappelle, comme une entrave à la défense européenne alors qu’il se borne, comme le Traité d’Amsterdam, à photographier une réalité. Cet article ne change rien.

En fait, en dépit de la dramatisation induite par la campagne référendaire, les progrès de l’Union vers une vraie politique étrangère et de défense commune ne dépendent que subsidiairement des traités. Il faudra encore un considérable travail politique de fond pour surmonter bien des divergences qui subsistent entre Européens et surtout deux d’entre elles, centrales: sur le projet français d’Europe puissance, ce à quoi une grande partie des populations demeure réticente, et sur l’emploi éventuel de la force; et sur les relations avec Washington, la grande majorité des Etats membres refusant, contrairement aux Français, l’idée que l’Europe doive «contrebalancer» les Etats-Unis.

On a trop cru qu’il suffisait d’adopter des textes et des procédures pour homogénéiser des mentalités différentes élaborées au fil des siècles. Cela ne s’est pas produit sauf sur les grandes valeurs sur lesquelles l’accord est aisé: la paix, le développement, la démocratie, etc. La vraie politique étrangère européenne opérationnelle reste à inventer.

Même s’il n’est qu’un cadre, le Traité constitutionnel devrait favoriser cette nécessaire alchimie. A condition que nous nous y employions résolument. Car c’est par le haut, politiquement, sans mécanismes «couperets», qu’il faut faire converger les politiques étrangères nationales. Contrairement à une idée répandue, plus celles-ci resteront vigoureuses et plus la synthèse européenne sera forte. C’est ainsi que nous permettrons à l’Europe d’assurer la sécurité des Européens sur tous les plans tout en étant utile au monde.

Politique étrangère commune: encore beaucoup de travail!

Hubert Vedrine

Politique étrangère commune: encore beaucoup de travail!

S’il est ratifié le Traité constitutionnel donnera-t-il naissance à une vraie politique étrangère européenne et à une Europe puissance? Il comporte déjà des améliorations qui faciliteront l’élaboration et la mise en œuvre de la politique étrangère de l’Union, cette partie de leur politique étrangère que les Etats membres mettent en commun, au-delà de leurs politiques étrangères nationales, qui perdureront.

Quelles sont ces améliorations?

L’Union sera dotée de la personnalité juridique. Le mandat du Président du Conseil sera porté à deux ans et demi. Les fonctions de Haut Représentant et de Commissaire pour les relations extérieures seront fusionnées en un «ministre» européen des affaires étrangères, vice-Président de la Commission (Javier Solana est déjà désigné), qui disposera de moyens budgétaires conséquents et d’un «service européen d’action extérieure» appelé à devenir important. Il contribuera à l’élaboration de la politique étrangère, de sécurité et de défense commune. Il la conduira et la mettra en oeuvre en tant que mandataire du Conseil.

Ces rationalisations et ces simplifications garantissent-elles une harmonisation automatique des Vingt Cinq? Naturellement non. Est-ce que cela créera une Union plus efficace? Probablement. Une Europe puissance? Non, cela ne suffira pas.

Pour ceux, dont je ne fais pas partie, qui idéalisent ce que serait dans l’état actuel des choses une politique étrangère européenne unique, tout cela ne va pas assez loin. Or les positions françaises étant sur la plupart des sujets minoritaires dans l’Europe à vingt cinq-vingt sept, cela serait aujourd’hui inconséquent. Le Traité constitutionnel parce qu’il maintenant l’unanimité dans ces domaines constitue un progrès raisonnable et un cadre approprié où les Européens pourront agir de façon de plus en plus unifiée sans renier leurs spécificités.

En sens inverse, certains opposants au Traité feignent de découvrir l’appartenance de presque tous les Etats membres, y compris de la France, à l’OTAN. Ils présentent l’article 1-41-2, qui le rappelle, comme une entrave à la défense européenne alors qu’il se borne, comme le Traité d’Amsterdam, à photographier une réalité. Cet article ne change rien.

En fait, en dépit de la dramatisation induite par la campagne référendaire, les progrès de l’Union vers une vraie politique étrangère et de défense commune ne dépendent que subsidiairement des traités. Il faudra encore un considérable travail politique de fond pour surmonter bien des divergences qui subsistent entre Européens et surtout deux d’entre elles, centrales: sur le projet français d’Europe puissance, ce à quoi une grande partie des populations demeure réticente, et sur l’emploi éventuel de la force; et sur les relations avec Washington, la grande majorité des Etats membres refusant, contrairement aux Français, l’idée que l’Europe doive «contrebalancer» les Etats-Unis.

On a trop cru qu’il suffisait d’adopter des textes et des procédures pour homogénéiser des mentalités différentes élaborées au fil des siècles. Cela ne s’est pas produit sauf sur les grandes valeurs sur lesquelles l’accord est aisé: la paix, le développement, la démocratie, etc. La vraie politique étrangère européenne opérationnelle reste à inventer.

Même s’il n’est qu’un cadre, le Traité constitutionnel devrait favoriser cette nécessaire alchimie. A condition que nous nous y employions résolument. Car c’est par le haut, politiquement, sans mécanismes «couperets», qu’il faut faire converger les politiques étrangères nationales. Contrairement à une idée répandue, plus celles-ci resteront vigoureuses et plus la synthèse européenne sera forte. C’est ainsi que nous permettrons à l’Europe d’assurer la sécurité des Européens sur tous les plans tout en étant utile au monde.

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21/05/2005