La force de DAESH réside dans la faiblesse de ses adversaires.

La France est-elle désarmée face à des attaques comme celle menée à Saint-Quentin-Fallavier, en Isère?

Aucun pays ne peut empêcher à 100% ce genre d’attaques. Il faut tout faire pour identifier les individus potentiellement dangereux avec l’aide des familles, les neutraliser par un important travail policier – déjà remarquable – voire militaire, ou quand ceci est possible les «déradicaliser». Mais ceci ne suffira pas sans une gigantesque contre-offensive au sein même du monde musulman. N’oublions pas que les musulmans sont, après les chiites qu’ils veulent supprimer, la cible numéro de Daesh(acronyme arabe de l’organisation État islamique) : ceux qui selon eux ne respectent pas le Coran, les «impies» et les «apostats», soit près de 99 % des musulmans! Les minorités, les chrétiens ou les juifs, arrivent en second.

Les attentats en France ou contre des touristes occidentaux en Tunisie ne prouvent-ils pas le contraire?

Ils veulent casser le processus démocratique tunisien. L’Occident n’est pas la priorité de Daesh, mais peut-être est-il une cible et une victime collatérale. Son objectif est d’abord de s’enraciner dans un territoire, en tant qu’État, pour y imposer sa loi. Sa proclamation du «califat», et les violences atroces mises en scène visent avant tout à attirer des recrues fanatisées. Sur le plan géographique, l’organisation peut saisir des occasions qui se présentent à elle ailleurs qu’au Moyen Orient, comme en Libye (où l’EI contrôle une large bande de côte à l’est de Tripoli).

Comment expliquer que la coalition internationale ne parvienne pas à enrayer la progression de l’EI?

D’abord c’est une coalition semi engagée, aux objectifs contradictoires. Ensuite, le conflit sunnite/chiite est si violent qu’en Irak, certaines populations sunnites préfèrent le pouvoir de Daesh à celui des milices chiites, (soutenues par le gouvernement chiite irakien et l’Iran, NDLR), qui se rendent aussi coupables d’exactions. La force de Daesh réside dans la faiblesse de ses adversaires. Il a bénéficié de la désintégration de l’Irak, après l’intervention américaine de 2003, qui a jeté la minorité sunnite, longtemps au pouvoir, dans un no-man’s land politique. C’est ainsi que beaucoup de cadres sunnites de Saddam Hussein ont été prêts à s’allier avec le «diable» EI. D’autre part, la décomposition de la Syrie après le Printemps arabe a permis l’essor de forces sunnites extrémistes qui n’étaient ni du côté du régime syrien, ni de celui des rebelles démocratiques. C’est la désagrégation politique de l’Irak et de la Syrie qui a permis à Abou Bakr al-Baghadi (chef de l’EI) d’installer géographiquement son «État» sur les ruines des frontières de Sykes-Picot (partage de l’Empire ottoman entre la France et la Grande-Bretagne signé en 1916)

Comment l’Occident peut-il venir à bout de Daesh?

Ce sont les musulmans eux-mêmes avec nous, qui doivent vaincre DAESH. Si l’Occident reste la force la plus puissante et la plus riche, il n’est plus en mesure d’imposer sa loi au Moyen-Orient ou ailleurs. Le temps de Sykes-Picot est révolu, et Daesh est l’un des symptômes multiples de cette perte de pouvoir. Et il n’y a pas encore de «communauté internationale», mais éventuellement des coalitions had-hoc.

La coalition internationale anti-Daesh regroupe pourtant 64 pays?

La coalition mise en place par Obama est inachevée. Ses objectifs ne sont pas clairs, d’autant que certains pays sunnites qui la composent, comme l’Arabie saoudite ou la Turquie, ont un double-jeu. Si la progression de Daesh est aujourd’hui globalement endiguée, grâce à la combinaison des forces kurdes, des bombardements américains, des milices chiites et des forces spéciales occidentales, l’organisation n’est pas pour autant éradiquée. Pour ce faire, il faudrait tout d’abord envoyer des troupes au sol, ou les Etats-Unis et les autres ne veulent pas y aller. Il faudrait ensuite mettre en place des solutions politiques viables tant en Irak qu’en Syrie.

Faut-il collaborer avec l’Iran, première puissance étrangère anti-Daesh sur le terrain?

L’Occident y répugne en raison de son antagonisme avec la République islamique. Mais si l’on veut éliminer Daesh, il est indispensable de mettre en place une coalition totale anti-EI, avec l’Occident, les pays arabes sunnites, les Iraniens, les Turcs et les Russes. N’oubliez pas que, pour vaincre Hitler, Roosevelt et Churchill se sont alliés avec Staline, qui avait pourtant tué bien plus.

Faut-il également s’allier à Bachar el-Assad?

La priorité est d’éradiquer Daesh, pas Assad, même si il faut le faire partir après. Mais ce n’aurait pas de sens non plus de «s’allier» avec lui. Une coalition plus engagée, plus cohérente, avec des buts politiques clairs est indispensable.

La force de DAESH réside dans la faiblesse de ses adversaires.

Hubert Vedrine

La force de DAESH réside dans la faiblesse de ses adversaires.

La France est-elle désarmée face à des attaques comme celle menée à Saint-Quentin-Fallavier, en Isère?

Aucun pays ne peut empêcher à 100% ce genre d’attaques. Il faut tout faire pour identifier les individus potentiellement dangereux avec l’aide des familles, les neutraliser par un important travail policier – déjà remarquable – voire militaire, ou quand ceci est possible les «déradicaliser». Mais ceci ne suffira pas sans une gigantesque contre-offensive au sein même du monde musulman. N’oublions pas que les musulmans sont, après les chiites qu’ils veulent supprimer, la cible numéro de Daesh(acronyme arabe de l’organisation État islamique) : ceux qui selon eux ne respectent pas le Coran, les «impies» et les «apostats», soit près de 99 % des musulmans! Les minorités, les chrétiens ou les juifs, arrivent en second.

Les attentats en France ou contre des touristes occidentaux en Tunisie ne prouvent-ils pas le contraire?

Ils veulent casser le processus démocratique tunisien. L’Occident n’est pas la priorité de Daesh, mais peut-être est-il une cible et une victime collatérale. Son objectif est d’abord de s’enraciner dans un territoire, en tant qu’État, pour y imposer sa loi. Sa proclamation du «califat», et les violences atroces mises en scène visent avant tout à attirer des recrues fanatisées. Sur le plan géographique, l’organisation peut saisir des occasions qui se présentent à elle ailleurs qu’au Moyen Orient, comme en Libye (où l’EI contrôle une large bande de côte à l’est de Tripoli).

Comment expliquer que la coalition internationale ne parvienne pas à enrayer la progression de l’EI?

D’abord c’est une coalition semi engagée, aux objectifs contradictoires. Ensuite, le conflit sunnite/chiite est si violent qu’en Irak, certaines populations sunnites préfèrent le pouvoir de Daesh à celui des milices chiites, (soutenues par le gouvernement chiite irakien et l’Iran, NDLR), qui se rendent aussi coupables d’exactions. La force de Daesh réside dans la faiblesse de ses adversaires. Il a bénéficié de la désintégration de l’Irak, après l’intervention américaine de 2003, qui a jeté la minorité sunnite, longtemps au pouvoir, dans un no-man’s land politique. C’est ainsi que beaucoup de cadres sunnites de Saddam Hussein ont été prêts à s’allier avec le «diable» EI. D’autre part, la décomposition de la Syrie après le Printemps arabe a permis l’essor de forces sunnites extrémistes qui n’étaient ni du côté du régime syrien, ni de celui des rebelles démocratiques. C’est la désagrégation politique de l’Irak et de la Syrie qui a permis à Abou Bakr al-Baghadi (chef de l’EI) d’installer géographiquement son «État» sur les ruines des frontières de Sykes-Picot (partage de l’Empire ottoman entre la France et la Grande-Bretagne signé en 1916)

Comment l’Occident peut-il venir à bout de Daesh?

Ce sont les musulmans eux-mêmes avec nous, qui doivent vaincre DAESH. Si l’Occident reste la force la plus puissante et la plus riche, il n’est plus en mesure d’imposer sa loi au Moyen-Orient ou ailleurs. Le temps de Sykes-Picot est révolu, et Daesh est l’un des symptômes multiples de cette perte de pouvoir. Et il n’y a pas encore de «communauté internationale», mais éventuellement des coalitions had-hoc.

La coalition internationale anti-Daesh regroupe pourtant 64 pays?

La coalition mise en place par Obama est inachevée. Ses objectifs ne sont pas clairs, d’autant que certains pays sunnites qui la composent, comme l’Arabie saoudite ou la Turquie, ont un double-jeu. Si la progression de Daesh est aujourd’hui globalement endiguée, grâce à la combinaison des forces kurdes, des bombardements américains, des milices chiites et des forces spéciales occidentales, l’organisation n’est pas pour autant éradiquée. Pour ce faire, il faudrait tout d’abord envoyer des troupes au sol, ou les Etats-Unis et les autres ne veulent pas y aller. Il faudrait ensuite mettre en place des solutions politiques viables tant en Irak qu’en Syrie.

Faut-il collaborer avec l’Iran, première puissance étrangère anti-Daesh sur le terrain?

L’Occident y répugne en raison de son antagonisme avec la République islamique. Mais si l’on veut éliminer Daesh, il est indispensable de mettre en place une coalition totale anti-EI, avec l’Occident, les pays arabes sunnites, les Iraniens, les Turcs et les Russes. N’oubliez pas que, pour vaincre Hitler, Roosevelt et Churchill se sont alliés avec Staline, qui avait pourtant tué bien plus.

Faut-il également s’allier à Bachar el-Assad?

La priorité est d’éradiquer Daesh, pas Assad, même si il faut le faire partir après. Mais ce n’aurait pas de sens non plus de «s’allier» avec lui. Une coalition plus engagée, plus cohérente, avec des buts politiques clairs est indispensable.

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