HUBERT VEDRINE «MENACE SUR LA VIE SUR TERRE»

On vous connaissait diplomate et politique, on vous découvre écolo. L’environnement vous inquiète-t-il plus que le choc des civilisations?

Un risque n’efface pas l’autre. C’est une question d’ampleur. Mais combien de temps la terre restera-t-elle vivable pour les êtres humains? Voici le premier enjeu global. Un rapide réchauffement de la planète d’origine humaine est en cours. Ajoutez-y l’empoisonnement de l’atmosphère, des sols, des eaux et de nos organismes par des décennies d’utilisation de produits chimiques… je ne suis pas catastrophiste. Mais je suis saisi par la gravité de la situation. Nous devons agir vite, d’autant qu’il faudra de vingt à trente ans pour convertir nos modes de vie et de productions.

Comment vous êtes-vous convaincu?

En travaillant. En lisant depuis longtemps ce que publient les scientifiques. En étant ouvert, alors que trop de politiques – et autres! – devenaient enragés à l’idée que l’homme ne soit pas tout-puissant, ni notre planète inépuisable. A l’Elysée, déjà, j’ai suivi la polémique entre savants -ceux qui alertaient sur la gravité d’un réchauffement dû à l’activité humaine, et ceux qui la contestaient- et j’ai vu ces sceptiques devoir battre en retraite. Aujourd’hui, il n’y a plus de doute. Nous aggravons ce réchauffement. Pour beaucoup de savants on atteint des seuils irréversibles, dangereux. Des catastrophes -sécheresses, tropicalisation des climats, montées des eaux, bouleversements agricoles, conflits liés aux réfugiés climatiques- sont programmés.

Vous êtes encore de gauche, ou désormais écologiste?

S’il fallait choisir un jour entre la survie de l’humanité et un engagement politique, je serai écologiste avant d’être de gauche. Mais nous éviterons ce dilemme. La gauche est bien placée pour concilier le désir d’une vie meilleure et la préservation de la biosphère, pour redéfinir le contenu de la croissance grâce à plus de recherche, plus de science.

Quand vous étiez au coeur du pouvoir, avez-vous tiré la sonnette d’alarme?

Mitterrand était sensible à la nature, pas au jargon écolo! Mais l’urgence était moins évidente. Jospin comprend l’enjeu, même si ce n’était pas sa culture première. Nous avons soutenu le protocole de Kyoto, contre Bush… La gauche reste contrainte par sa croyance au progrès quantitatif. Cela doit pouvoir évoluer. Cela évolue: voyez les discours des candidats à la candidature. Les Verts, eux, restent prisonniers de leur idéologie anti-nucléaire, alors que le nucléaire n’aggrave pas l’effet de serre, contrairement aux énergies fossiles. Et cela sera vrai, jusqu’à une autre source d’énergie. La solution viendra en partie des scientifiques: il faut soutenir la recherche pour préparer des réponses à la mutation énergétique. Mais il faut également mobiliser, dire à chacun ce qu’il peut faire, en éco-citoyen conscient. Petits exemples: ne pas surchauffer en hiver, ne pas abuser de la climatisation… Ce que disaient les grands-mères: éteins la lumière en sortant. Certes, nos sociétés démocratiques auront du mal: idée classique du progrès, consommation, droits acquis, confort, sondages, etc. Cela ne facilite pas des politiques courageuses.

Le pire est devant nous?

Non, si on fait prendre conscience sans affoler et en mobilisant: «c’est grave, mais voilà ce que les pouvoirs publics vont faire; voilà ce sur quoi travaillent les chercheurs, ce que préparent les industriels et ce que, vous, vous pouvez faire». Et cela va bouger. En Californie, Schwarzenegger prend malgré Bush des mesures contre l’effet de serre. En Europe, on trouvera de nouvelles molécules chimiques. Et les Chinois vont être obligés d’inventer la voiture propre avant nous!

Claude Askolovitch

HUBERT VEDRINE «MENACE SUR LA VIE SUR TERRE»

Hubert Vedrine

HUBERT VEDRINE «MENACE SUR LA VIE SUR TERRE»

On vous connaissait diplomate et politique, on vous découvre écolo. L’environnement vous inquiète-t-il plus que le choc des civilisations?

Un risque n’efface pas l’autre. C’est une question d’ampleur. Mais combien de temps la terre restera-t-elle vivable pour les êtres humains? Voici le premier enjeu global. Un rapide réchauffement de la planète d’origine humaine est en cours. Ajoutez-y l’empoisonnement de l’atmosphère, des sols, des eaux et de nos organismes par des décennies d’utilisation de produits chimiques… je ne suis pas catastrophiste. Mais je suis saisi par la gravité de la situation. Nous devons agir vite, d’autant qu’il faudra de vingt à trente ans pour convertir nos modes de vie et de productions.

Comment vous êtes-vous convaincu?

En travaillant. En lisant depuis longtemps ce que publient les scientifiques. En étant ouvert, alors que trop de politiques – et autres! – devenaient enragés à l’idée que l’homme ne soit pas tout-puissant, ni notre planète inépuisable. A l’Elysée, déjà, j’ai suivi la polémique entre savants -ceux qui alertaient sur la gravité d’un réchauffement dû à l’activité humaine, et ceux qui la contestaient- et j’ai vu ces sceptiques devoir battre en retraite. Aujourd’hui, il n’y a plus de doute. Nous aggravons ce réchauffement. Pour beaucoup de savants on atteint des seuils irréversibles, dangereux. Des catastrophes -sécheresses, tropicalisation des climats, montées des eaux, bouleversements agricoles, conflits liés aux réfugiés climatiques- sont programmés.

Vous êtes encore de gauche, ou désormais écologiste?

S’il fallait choisir un jour entre la survie de l’humanité et un engagement politique, je serai écologiste avant d’être de gauche. Mais nous éviterons ce dilemme. La gauche est bien placée pour concilier le désir d’une vie meilleure et la préservation de la biosphère, pour redéfinir le contenu de la croissance grâce à plus de recherche, plus de science.

Quand vous étiez au coeur du pouvoir, avez-vous tiré la sonnette d’alarme?

Mitterrand était sensible à la nature, pas au jargon écolo! Mais l’urgence était moins évidente. Jospin comprend l’enjeu, même si ce n’était pas sa culture première. Nous avons soutenu le protocole de Kyoto, contre Bush… La gauche reste contrainte par sa croyance au progrès quantitatif. Cela doit pouvoir évoluer. Cela évolue: voyez les discours des candidats à la candidature. Les Verts, eux, restent prisonniers de leur idéologie anti-nucléaire, alors que le nucléaire n’aggrave pas l’effet de serre, contrairement aux énergies fossiles. Et cela sera vrai, jusqu’à une autre source d’énergie. La solution viendra en partie des scientifiques: il faut soutenir la recherche pour préparer des réponses à la mutation énergétique. Mais il faut également mobiliser, dire à chacun ce qu’il peut faire, en éco-citoyen conscient. Petits exemples: ne pas surchauffer en hiver, ne pas abuser de la climatisation… Ce que disaient les grands-mères: éteins la lumière en sortant. Certes, nos sociétés démocratiques auront du mal: idée classique du progrès, consommation, droits acquis, confort, sondages, etc. Cela ne facilite pas des politiques courageuses.

Le pire est devant nous?

Non, si on fait prendre conscience sans affoler et en mobilisant: «c’est grave, mais voilà ce que les pouvoirs publics vont faire; voilà ce sur quoi travaillent les chercheurs, ce que préparent les industriels et ce que, vous, vous pouvez faire». Et cela va bouger. En Californie, Schwarzenegger prend malgré Bush des mesures contre l’effet de serre. En Europe, on trouvera de nouvelles molécules chimiques. Et les Chinois vont être obligés d’inventer la voiture propre avant nous!

Claude Askolovitch

source:https://www.hubertvedrine.net Homepage > Publications > HUBERT VEDRINE «MENACE SUR LA VIE SUR TERRE»
14/09/2006