HUBERT VEDRINE: «À KIGALI, LA FRANCE A MENE UNE POLITIQUE DE PREVENTION »

1. Avec le recul, comment voyez-vous le rôle de Paris à l’époque du génocide au Rwanda?

Aujourd’hui il devrait être possible de replacer les efforts impuissants, mais méritoires, de la France dans leur véritable contexte: les massacres de tutsis dès avant l’indépendance de 1960; La volonté de Kagamé de reprendre le pouvoir à tout prix avec le soutien de Museveni; les efforts de la France pour prévenir les massacres qui en résulteraient et pour imposer à la place le partage du pouvoir, les Accords d’Arusha; l’attentat du 6 avril 1994 contre le Président rwandais qui a déclenché le génocide et permis la prise du pouvoir par le FPR, et signé l’échec de la politique française de prévention, pour le malheur des Rwandais. Ce qui ne justifie pas de dire n’importe quoi.

2. Il y a-t-il eu un génocide au Rwanda celui des Tutsi ou un double génocide comme l’avait formulé François Mitterrand en 1995 lors du sommet franco-africain de Biarritz?

Est ce une question piège? Ce que je sais, c’est qu’il y a un certain consensus pour évaluer à 800 000 le nombre de Tutsis et de Hutus victimes du génocide d’avril 1994. Depuis lors, l’»International Crisis Group», de Bruxelles, comme d’autres organisations, estime à 3,5 millions le nombre de victimes congolaises des actions rwandaises et ougandaises dans la région, depuis 1997, directement ou par dommage collatéraux. Je vous laisse le soin de qualifier ces morts là…

3. Dans «les mondes de François Mitterrand» vous remarquiez qu’il «ait pu y avoir des relations trop étroites entre certains militaires français et le gouvernement du Président Habyarimana». Pensez-vous qu’il y avait une trop forte implication militaire française au Rwanda?

Oui, peut être, quand ils avaient pour mission de sécuriser la frontière rwando-ougandaise contre les attaques du FPR de Kagamé et de l’armée ougandaise (l’autre volet de la politique française ayant été le partage du pouvoir entre Hutus et Tutsis, objectif sans doute irréaliste en l’absence de moyens de pression suffisants sur Kagamé comme sur les Hutus). Mais cela n’a rien à voir avec le génocide.

4. Comment réagissez-vous à l’ouverture d’une information judiciaire par le tribunal de Paris pour génocide au Rwanda?

Pourquoi ces accusations, maintenant? Est-ce un contre feu pour amortir le choc de l’enquête, non réfutée, de Pierre Péan ou celui des prochaines conclusions du juge Bruguière? Je n’en sais rien. Il faudra de toutes façons juger de la validité de ces témoignages brusquement invoqués.

5. Les militaires français ont parfois le sentiment d’avoir ‘endossé une responsabilité politique au Rwanda. Ce
sentiment s’appuie-t-il sur une réalité?

Ce n’est pas un problème entre politiques et militaires. Ces derniers ont surtout du mal à encaisser tant d’accusations effarantes, colportées avec autant de légèreté par certaines ONG ou médias, français, ou autres.

6. Comment expliquez-vous que parmi l’héritage de François Mitterrand la question rwandaise agite toujours les esprits?

Il ne s’agit pas de «l’héritage de François Mitterrand» mais celui de trente ans de politique française dont il n’y a pas à rougir. Accuser la France est facile et rend service à certains. Il est triste que la politique de prévention de la France, de 1990 à 1994, ait échouée, mais cela ne justifie pas de dire n’importe quoi.

HUBERT VEDRINE: «À KIGALI, LA FRANCE A MENE UNE POLITIQUE DE PREVENTION »

Hubert Vedrine

HUBERT VEDRINE: «À KIGALI, LA FRANCE A MENE UNE POLITIQUE DE PREVENTION »

1. Avec le recul, comment voyez-vous le rôle de Paris à l’époque du génocide au Rwanda?

Aujourd’hui il devrait être possible de replacer les efforts impuissants, mais méritoires, de la France dans leur véritable contexte: les massacres de tutsis dès avant l’indépendance de 1960; La volonté de Kagamé de reprendre le pouvoir à tout prix avec le soutien de Museveni; les efforts de la France pour prévenir les massacres qui en résulteraient et pour imposer à la place le partage du pouvoir, les Accords d’Arusha; l’attentat du 6 avril 1994 contre le Président rwandais qui a déclenché le génocide et permis la prise du pouvoir par le FPR, et signé l’échec de la politique française de prévention, pour le malheur des Rwandais. Ce qui ne justifie pas de dire n’importe quoi.

2. Il y a-t-il eu un génocide au Rwanda celui des Tutsi ou un double génocide comme l’avait formulé François Mitterrand en 1995 lors du sommet franco-africain de Biarritz?

Est ce une question piège? Ce que je sais, c’est qu’il y a un certain consensus pour évaluer à 800 000 le nombre de Tutsis et de Hutus victimes du génocide d’avril 1994. Depuis lors, l’»International Crisis Group», de Bruxelles, comme d’autres organisations, estime à 3,5 millions le nombre de victimes congolaises des actions rwandaises et ougandaises dans la région, depuis 1997, directement ou par dommage collatéraux. Je vous laisse le soin de qualifier ces morts là…

3. Dans «les mondes de François Mitterrand» vous remarquiez qu’il «ait pu y avoir des relations trop étroites entre certains militaires français et le gouvernement du Président Habyarimana». Pensez-vous qu’il y avait une trop forte implication militaire française au Rwanda?

Oui, peut être, quand ils avaient pour mission de sécuriser la frontière rwando-ougandaise contre les attaques du FPR de Kagamé et de l’armée ougandaise (l’autre volet de la politique française ayant été le partage du pouvoir entre Hutus et Tutsis, objectif sans doute irréaliste en l’absence de moyens de pression suffisants sur Kagamé comme sur les Hutus). Mais cela n’a rien à voir avec le génocide.

4. Comment réagissez-vous à l’ouverture d’une information judiciaire par le tribunal de Paris pour génocide au Rwanda?

Pourquoi ces accusations, maintenant? Est-ce un contre feu pour amortir le choc de l’enquête, non réfutée, de Pierre Péan ou celui des prochaines conclusions du juge Bruguière? Je n’en sais rien. Il faudra de toutes façons juger de la validité de ces témoignages brusquement invoqués.

5. Les militaires français ont parfois le sentiment d’avoir ‘endossé une responsabilité politique au Rwanda. Ce
sentiment s’appuie-t-il sur une réalité?

Ce n’est pas un problème entre politiques et militaires. Ces derniers ont surtout du mal à encaisser tant d’accusations effarantes, colportées avec autant de légèreté par certaines ONG ou médias, français, ou autres.

6. Comment expliquez-vous que parmi l’héritage de François Mitterrand la question rwandaise agite toujours les esprits?

Il ne s’agit pas de «l’héritage de François Mitterrand» mais celui de trente ans de politique française dont il n’y a pas à rougir. Accuser la France est facile et rend service à certains. Il est triste que la politique de prévention de la France, de 1990 à 1994, ait échouée, mais cela ne justifie pas de dire n’importe quoi.

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18/03/2006