Etat de l’Union européenne et perspectives de relance

Madame la Présidente,

Messieurs les Ministres,

Ma responsabilité est lourde: Je suis censé prononcer la leçon inaugurale de cette quatrième édition du Forum de Paris qui sera consacrée, cette année, à l’état de l’Union européenne et aux relances possibles de la construction européenne. Le choix de ce sujet ne signifie pas que le Forum se désintéresse des questions méditerranéennes ni des relations euro méditerranéennes si chères à Albert Mallet, créateur, inspirateur et âme de ce forum, que je salue, comme elles le sont pour nous tous. Il signifie que l’Union européenne est aujourd’hui dans un tel état d’incertitude que même nos amis et partenaires méditerranéens ont besoin, comme nous, de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de ce qui apparaît comme une panne, pour mieux discerner les voies de l’avenir. Ils auront, et vous aurez, le loisir de le faire demain dimanche, et lundi, au cours des six séances plénières et de la séance de clôture.

Je ne peux commencer cette analyse de l’état actuel de l’Union sans rappeler d’abord tout ce qui a été accompli en Europe depuis la seconde guerre mondiale et qui n’est comparable à rien d’autre. C’est en comprenant mieux ce qui a été réalisé, comment et par qui, que nous trouverons les moyens de progresser à nouveau. Au départ, ayons l’honnêteté de le rappeler, ce sont les Etats-Unis qui, après avoir vaincu le nazisme avec les Soviétiques, ont poussé dans leur zone les pays d’Europe de l’Ouest à travailler étroitement ensemble. Ce à quoi au sortir de la guerre, les populations n’étaient pas disposées même si quelques esprits tournés vers l’avenir y étaient prêts contrairement à une formule répandue, ce n’est pas «l’Europe qui a fait la paix», mais bien la paix et la menace soviétique qui ont permis d’enclencher la construction européenne.

A partir de là quelques dirigeants européens visionnaires, quelques personnalités d’influence inspirées par une haute vision de l’Europe et voulant rendre cette paix irréversible, prennent des initiatives décisives – le traité charbon acier en 1951, la conférence de Messine en 1955, le Traité de Rome en 1957. Réaliser un marché commun est aux yeux des fondateurs le meilleur moyen de l’unification. Ce processus était démocratique, puisque mené par des gouvernements élus et ratifiés par des parlements mais, il était conçu par un groupe si restreint qu’on a pu parler de «despotisme éclairé». Si c’est vrai, c’était un despotisme très éclairé, alors! C’est le cas à l’époque Giscard-Schmidt et c’est encore vrai dans la grande période Mitterrand-Kohl-Delors à partir de 1984. Une partie des élites européennes se prend alors à rêver à l’Europe comme à une grande utopie. Mais c’est aussi dans ces intenses années 80/90 que la construction européenne commence avec l’élargissement à 9, 10 puis douze, avec le Traité dit de l’Acte unique, avec les nombreuses directives normalisatrices de mise en œuvre du grand marché, avec la préparation de l’Union économique et monétaire, par modifier substantiellement la vie politique, économique et sociale des états membres et de leurs citoyens, ce qui va avoir ultérieurement des conséquences politiques sérieuses, en générant des anticorps anti-intégration. Les élites deviennent lyriques sur l’Europe quand les peuples commencent à renâcler.

On commence alors communément à parler de «déficit démocratique». C’est à la fois faux – ce sont bien des gouvernements démocratiques qui décident – et vrai – les citoyens se sentent dépossédés car il leur semble que ceux pour lesquels ils votent n’ont plus de pouvoir et parce que le parlement européen ne parvient pas à remplacer les démocraties nationales. A force de dire que les états nations ne sont plus un cadre n’utilisant et que seul l’Europe peut agir les élites démoralisent les démocraties nationales. En 1992, le président Mitterrand prend le risque d’un référendum pour préserver le traité de Maastricht et son cœur, une monnaie unique, de toute remise en cause ultérieure. Le jour où il annonce sa décision il me dit: «cela sera dur mais cela passera». Cela passe à 1% près, ce dont on aurait du se souvenir treize ans après.

Dans les années qui suivent, Maastricht, au lieu de répondre aux attentes concrètes exprimées par les peuples de l’Union, la quasi unanimité des gouvernements européens s’assigne comme priorité absolue l’entrée dans l’union, déjà élargie à quinze, des pays candidats d’Europe centrale, et orientale que l’effondrement de l’URSS a rendus à leur destin européen. Le Traité d’Amsterdam en 1997 vise à organiser cette union à 27. Il échoue. Les quinze y parviennent à Nice en décembre 2000 – des règles sont fixées – mais ce Traité est vite représenté comme insuffisant à la fois par l’Allemagne, qui veut voir son nouveau poids démographique mieux consacré par les traités, et par les milieux fédéralistes qui désespèrent de voir l’Union rester une «fédération d’états nations», pour reprendre l’expression de Jacques Delors. Pour les satisfaire, et sans que rien n’indique que c’est cela que les opinions attendent, il est alors décidé de réunir une «convention» formule censée être plus démocratique que la réunion des gouvernements démocratiques. Les milieux fédéralistes, qu’aucune réalité depuis cinquante ans ne décourage, et les idéalistes nominalistes obtiennent qu’elle n’ait pas à préparer un simple traité constitutionnel mais une «Constitution». Le terme est juridiquement impropre mais on espère qu’il va susciter l’enthousiasme et engendrer par son ambition sémantique, avec la «Charte de droits fondamentaux,» une réalité nouvelle, une conscience commune, voire un peuple européen.

Cependant les états membres sont toujours souverains, même si ils exercent en commun leur souveraineté. Un traité entre eux ne peut être donc ratifié qu’à l’unanimité. Pour qu’il puisse l’être à la majorité, il faudrait que cela ait été décidé par eux au préalable à l’unanimité, ce qui n’est pas le cas. Il faut donc 27 ratifications. Il y en a aujourd’hui 18. Le rêve, ou la chimère, s’est brisée en 2005 sur les non français et néerlandais. Au moins deux ou trois autres pays auraient sans doute voté non s’ils en avaient eu l’occasion dont la Grande-Bretagne, presque certainement. Ce coup d’arrêt a donné lieu à une myriade de commentaires contradictoires. Mais, le fait est que nous en sommes là et qu’aucune invocation émue du bilan, du chemin parcouru, aucune dénonciation des votes négatifs, ou de la frilosité supposée des peuples, aucun appel à l’audace, à l’imagination, ne fournit à lui seul de solution toute faite de relance.

A de rarissime exceptions près – comme l’actuel président tchèque – les Européens ne remettent pas en cause ce qui a été accompli en leur nom, ou par eux, depuis cinquante ans. Il n’y a quasiment plus en Europe de vrais-anti-européens même si il y a beaucoup d’européens tièdes, prudents, désabusés, ou devenus sceptiques. En tout cas, le clivage entre pro et anti-européens est trop simple. Les militants d’une intégration politique très poussée estiment être les seuls à pouvoir se dire «Européens», à l’exclusion des autres sortes de pro-européens. Mais rien ne justifie cette prétention. En revanche il est bien vrai, et c’est le cœur du problème actuel, que les Européens divergent aujourd’hui sur plusieurs points d’avenir essentiels.

Je ne peux pas ne pas mentionner d’abord le vif débat interne à chaque état membre sur l’ampleur et la nature des réformes économiques et sociales à accomplir pour s’adapter à la mondialisation, mieux en tirer parti ou encore s’en protéger. Ce débat est décisif. Il n’est pas sans lien avec le projet européen dans la mesure où certains, majoritaires en Europe, dominants au sein de la commission, estiment que le rôle de l’Union est d’accélérer ces réformes tandis que d’autres, très nombreux en France, estiment, à l’inverse, que l’Union devrait faire barrage aux excès de la dérégulation libérale et construire une Europe «sociale». Mais ce n’est pas ce grand débat qui handicape en tant que telle une relance européenne, même si il a lourdement pesée, et semé la confusion dans la campagne référendaire française. Cela se règlera pays par pays. Les désaccords qui paralysent les européens aujourd’hui ce sont ceux qui portent sur l’identité de l’Europe, sur son rôle dans le monde et dans l’immédiat sur les institutions européenne.

D’abord l’identité et les frontières. L’Union à 27 négocie avec la Turquie, la Croatie et la Macédoine et a fait des promesses aux autres pays des Balkans occidentaux. Au-delà le désaccord reste entier entre ceux, comme la Grande-Bretagne, qui ne se soucient pas de l’identité européenne – question théorique à ses yeux – et estiment qu’il n’y a pas à fixer de limites ou de frontières à l’Union, ni aujourd’hui, ni demain, et ceux, comme la France, qui estiment qu’il n’y a pas de construction politique cohérente et appropriable par ses citoyens sans une assise géographiquement définie. Aujourd’hui presque tous les états membres acceptent la nécessité d’une «pause», dans l’élargissement mais la question n’est pas tranchée dans son principe même si la France s’est dotée, avec la ratification référendaire obligatoire de tout nouvel élargissement d’un moyen brutal de la trancher de facto.

Ensuite le degré d’intégration politique. Là aussi le désaccord persiste entre ceux – Grande-Bretagne et la plupart des nouveaux pays membres- pour qui l’intégration actuelle est largement suffisante voire excessive et ceux pour qui elle n’est qu’une étape et qui restent animés, même s’ils n’emploient plus tellement ce mot, à l’exception du PM belge M. Verhofstadt par l’espérance fédéraliste de voir se créer un jour des «Etats-Unis d’Europe» en dépassant les états nations. Le paradoxe est que le Traité constitutionnel constituait une bonne base de compromis, entre ces divers groupes. La répartition claire et stable des pouvoirs entre l’Union européenne et états nations reste en tout cas à fixer. Cette incertitude est anxiogène pour les peuples comme l’est l’élargissement sans limites.

Le rôle dans le monde. Là non plus, il n’y a pas de réel consensus entre européens. Certes tous les européens sont pour la paix, la démocratie et les droits de l’homme et Javier Solana incarne vaillamment la partie commune de leurs politiques étrangères. Mais il n’y a, accord entre les 27, ni sur une Europe puissance à la française, qui est contestée par hédonisme, ingénuité ou atlantisme. Ni sur ce que ferait cette Europe puissance vis-à-vis des Etats-Unis, de la Russie ou de la Chine ou encore au Proche-Orient. Certains de ceux qui y sont favorables croient que les mécanismes de la PESC et de la PESC finiront par accoucher de cette Europe puissance et mettent en avant quelques premières réalisations. D’autres, dont je fais partie, pensent que les honorables résultats actuels ne suffiront pas, qu’il faudra un saut qualitatif et un accord politique entre les grands pays européens sur la politique étrangère de ce nouveau pôle du monde de demain. Si nous ne voulons pas que le monde multipolaire se fasse sans nous!

Mais aujourd’hui le blocage le plus évident porte sur les perspectives institutionnelles. Les institutions fonctionnent mais il n’y a pas consensus sur la suite. Un mois et demi après le début de la présidence allemande, il existe des propositions de relance européenne très différentes. Essayons d’y voir clair:

– Une première distinction est à établir entre ceux qui s’accommodent – faute de mieux ou par préférence réelle – du statu quo institutionnel et les autres.

Dans le premier groupe on trouve à la fois ceux qui pensent que l’on peut vivre avec le traité de Nice, et ceux qui pensent qu’on n’a pas le choix, car il n’y aura pas unanimité sur un autre texte. Les britanniques s’en satisfont, les polonais aussi.

Sans être hostiles à une réforme des institutions, plusieurs Français pensent que même dans le cadre des institutions actuelles, il est de toute façon possible de lancer de nouveaux grands projets: nouvelles politiques communes à 27, si un accord budgétaire est trouvé, coopération renforcées dans la zone euro ou sur d’autres sujets, projets intergouvernementaux à géométrie variable. C’est ce que j’ai appelé des juin 2005 «l’Europe des projets», ce dont Ségolène Royal a parlé sous le nom «d’Europe par la preuve», ou encore Dominique de Villepin sans celui «d’Europe des résultats».

Les partisans d’une relance prioritaire institutionnelle rétorquent que cela ne suffit pas et que, ne serait-ce que pour décider de nouveaux projets, un nouveau traité est une nécessité.

Les partisans de la réforme institutionnelle –ils ne disent plus «constitutionnelle» forment un groupe plus important:
– D’abord, il y a ceux qui espèrent encore que le traité constitutionnel pourra être ratifié. Tous les européens, en effet, n’ont pas abandonné l’espoir de voir les Français et les Néerlandais revoter, et voter oui. C’était peut-être l’arrière-pensée des 18 pays qui ont déjà ratifié le Traité constitutionnel et se sont réunis à Madrid en janvier pour exercer une pression morale sur les pays qui ont voté «non». Espoir vain: il n’y aura pas de nouveau vote en France et aux Pays-Bas sur le même texte et de toute façon il y aurait toujours les incertitudes britanniques, polonaises et tchèques. Il n’est pas pensable non plus de voir les dix huit pays qui ont déjà ratifié le traité avancer seuls sans la France et les Pays-Bas.

– Je mentionnerai, ensuite ceux qui pensent possible de faire ratifier par les parlements des pays qui ont voté «non» un «petit traité» c’est-à-dire les dispositions purement institutionnelles et, en principe, non controversées, du Traité constitutionnel non ratifié. Nicolas Sarkozy a avancé une telle proposition. Mais ce n’est pas si simple. Déjà des voix se sont élevées en Europe contre le principe même d’un «petit traité», par exemple l’Espagne. Tous les états ne sont pas d’accord sur ce qu’il faudrait garder, ou retirer, du traité constitutionnel (option dite du traité «moins»). D’autres voudraient ajouter à ce «petit traité» institutionnel des éléments nouveaux, et notamment – «un protocole social» (option dite du Traité «plus») par exemple Ségolène Royal. L’appel de Florence est à ranger dans cette catégorie. C’est dire que la conférence intergouvernementale réunie pour se mettre d’accord rapidement sur un «petit traité», se trouverait, en fait, engagée dans une négociation mélangeant le plus et le moins, en fait une vraie renégociation. Ensuite, comment ratifier ce «petit traité»? Certains envisagent pour le ratifier, le recours à un nouveau référendum, mais la majorité ne veut pas reprendre ce risque.

– Enfin viennent ceux qui estiment nécessaire de négocier un vrai nouveau traité institutionnel et sont prêts à prendre le risque d’une nouvelle négociation. Beaucoup en France y ajoutent la demande d’un traité social. Pourtant cet objectif n’est pas devenu plus facile à atteindre qu’auparavant: la confusion entre le cadre (les institutions, les traités) et les politiques a été néfaste au traité constitutionnel. Et le désaccord reste grand entre la France et ses partenaires, et même entre la gauche française et les gauches européennes, sur le contenu d’un traité social.

– Mentionnons enfin que certains groupes comme le think tank «Confrontations» de Philippe Herzog essaient d’articuler réforme institutionnelle et projets dans ce qu’il appelle un «Acte unique de projets» par référence à l’Acte unique de Jacques Delors en 1986.

*

Comment sortir de ce labyrinthe? La majorité des états membres s’attend maintenant à ce que l’Allemagne se résigne à l’impossibilité de faire ratifier tel quel par les 27 le Traité constitutionnel mais qu’elle propose au conseil européen de juin, qui conclura sa présidence, la négociation relativement rapide, par une conférence intergouvernementale aussitôt réunie, d’un traité simplifié qui conserverait la «substance» du Traité constitutionnel. Pour l’Allemagne cette substance c’est d’abord la double majorité (le calcul démographique la fait passer de 9 à 18% des voix), les principes généraux de la répartition des compétences dans l’Union, qui confortent le fédéralisme allemand, la présidence durable du conseil, le ministre européen des affaires étrangères, la Charte des droits fondamentaux. Cette négociation, que l’on espère facile et brève, étant censée aboutir au plus tard fin 2008, sous présidence française. On prête à Nicolas Sarkozy le projet d’aller encore plus vite et de faire passer au parlement français, sans attendre, les parties réputées non contestées du Traité. Mme Royal de son côté a évoqué au terme de la renégociation, la possibilité d’un nouveau référendum. De toute façon c’est certainement la proposition allemande de méthode qui fera consensus en juin, à l’issue de sa présidence. Quelle que soit la voie empruntée, une incertitude persistera, au moins jusqu’en 2008, sur la ratification de cet éventuel retour texte, car aucun des scénarios que j’ai évoqués n’est assuré de réussir sans préparation adéquate.

Je suis convaincu que les opinions françaises et néerlandaises seraient plus réceptives à une relance institutionnelle si elles étaient rassurées auparavant quant à la non poursuite, en tout cas pour un moment, d’élargissements nouveaux. Et que l’opinion européenne, dans son ensemble, comprendrait mieux l’utilité de cette réforme institutionnelle si elle apparaissait indispensable à la mise en œuvre de nouvelles politiques ou de nouveaux grands projets européens et non pas comme une fin en soi. On peut imaginer la séquence suivante:
1) Annonce de la pause sur les élargissements;
2) Annonce de projets et de politiques nouvelles (énergie écologie, gestion économique de la zone euro, etc …
3) Traité institutionnel simplifié ratifié par les Parlements;
4) «Acte unique» de projets.

Mais je ne sais pas si les actuels gouvernements des 27 se soucieront de ces préalables avant de se relancer dans un processus institutionnel. En ce qui concerne le projet d’Europe puissance, et le rôle de l’Europe dans le monde, ce n’est d’ailleurs pas un préalable à un accord institutionnel, mais une nécessaire clarification qui en cinq ou dix ans devait accompagner une nouvelle phase européenne.

**

Mesdames, Messieurs, j’ai essayé de vous présenter un état objectif de l’Union et un tableau synthétique des propositions de relance actuellement sur la table allant du moins institutionnel, au plus institutionnel. Vous entendrez au cours du Forum quelques-uns des candidats à la Présidence de la République française et plusieurs personnalités françaises et européennes de premier plan. Vous écouterez les débats des six séances plénières et poserez des questions plus la séance de clôture. Chacun de vous, à partir de là, pourra approfondir sa réflexion et, le cas échéant, adapter son action.

Que les Européens aient très besoin d’une Europe unie pour mieux défendre leurs légitimes intérêts, et propager leurs idées et leurs valeurs dans le monde global, c’est l’évidence même!

Que le monde ait besoin, pour faire face à l’urgence écologique, pour enrayer le risque de clash des civilisations, et imposer à l’économie globale de marché des règles éthique, sociales, et environnementales, d’une Europe qui saurait qui elle est et ce qu’elle veut et qui s’en donne les moyens, est non moins évident. On constate d’ailleurs une vraie demande d’Europe un peu partout dans le monde.

Mais tout cela nous n’y parviendrons pas par des incantations, ni en nous émouvant sur les étapes glorieuses de la construction européenne. Nous y parviendrons si les Européens refusent d’être les simples spectateurs d’un monde multipolaire qui se ferait sans eux et chacun faisant un compromis sur l’identité et les limites de l’Europe, sur l’organisation du pouvoir et de la démocratie en Europe, sur le rôle de celle-ci dans le monde et si du coup, la réforme institutionnelle parait la condition logique de cette ambition et non une fin en soi. Je crois que c’est indispensable. Je crois aussi que c’est possible, sinon je ne serais pas ce soir parmi vous. Et je suis sûr que ce Forum, avec votre participation à tous, y contribuera.

Etat de l’Union européenne et perspectives de relance

Hubert Vedrine

Etat de l’Union européenne et perspectives de relance

Madame la Présidente,

Messieurs les Ministres,

Ma responsabilité est lourde: Je suis censé prononcer la leçon inaugurale de cette quatrième édition du Forum de Paris qui sera consacrée, cette année, à l’état de l’Union européenne et aux relances possibles de la construction européenne. Le choix de ce sujet ne signifie pas que le Forum se désintéresse des questions méditerranéennes ni des relations euro méditerranéennes si chères à Albert Mallet, créateur, inspirateur et âme de ce forum, que je salue, comme elles le sont pour nous tous. Il signifie que l’Union européenne est aujourd’hui dans un tel état d’incertitude que même nos amis et partenaires méditerranéens ont besoin, comme nous, de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de ce qui apparaît comme une panne, pour mieux discerner les voies de l’avenir. Ils auront, et vous aurez, le loisir de le faire demain dimanche, et lundi, au cours des six séances plénières et de la séance de clôture.

Je ne peux commencer cette analyse de l’état actuel de l’Union sans rappeler d’abord tout ce qui a été accompli en Europe depuis la seconde guerre mondiale et qui n’est comparable à rien d’autre. C’est en comprenant mieux ce qui a été réalisé, comment et par qui, que nous trouverons les moyens de progresser à nouveau. Au départ, ayons l’honnêteté de le rappeler, ce sont les Etats-Unis qui, après avoir vaincu le nazisme avec les Soviétiques, ont poussé dans leur zone les pays d’Europe de l’Ouest à travailler étroitement ensemble. Ce à quoi au sortir de la guerre, les populations n’étaient pas disposées même si quelques esprits tournés vers l’avenir y étaient prêts contrairement à une formule répandue, ce n’est pas «l’Europe qui a fait la paix», mais bien la paix et la menace soviétique qui ont permis d’enclencher la construction européenne.

A partir de là quelques dirigeants européens visionnaires, quelques personnalités d’influence inspirées par une haute vision de l’Europe et voulant rendre cette paix irréversible, prennent des initiatives décisives – le traité charbon acier en 1951, la conférence de Messine en 1955, le Traité de Rome en 1957. Réaliser un marché commun est aux yeux des fondateurs le meilleur moyen de l’unification. Ce processus était démocratique, puisque mené par des gouvernements élus et ratifiés par des parlements mais, il était conçu par un groupe si restreint qu’on a pu parler de «despotisme éclairé». Si c’est vrai, c’était un despotisme très éclairé, alors! C’est le cas à l’époque Giscard-Schmidt et c’est encore vrai dans la grande période Mitterrand-Kohl-Delors à partir de 1984. Une partie des élites européennes se prend alors à rêver à l’Europe comme à une grande utopie. Mais c’est aussi dans ces intenses années 80/90 que la construction européenne commence avec l’élargissement à 9, 10 puis douze, avec le Traité dit de l’Acte unique, avec les nombreuses directives normalisatrices de mise en œuvre du grand marché, avec la préparation de l’Union économique et monétaire, par modifier substantiellement la vie politique, économique et sociale des états membres et de leurs citoyens, ce qui va avoir ultérieurement des conséquences politiques sérieuses, en générant des anticorps anti-intégration. Les élites deviennent lyriques sur l’Europe quand les peuples commencent à renâcler.

On commence alors communément à parler de «déficit démocratique». C’est à la fois faux – ce sont bien des gouvernements démocratiques qui décident – et vrai – les citoyens se sentent dépossédés car il leur semble que ceux pour lesquels ils votent n’ont plus de pouvoir et parce que le parlement européen ne parvient pas à remplacer les démocraties nationales. A force de dire que les états nations ne sont plus un cadre n’utilisant et que seul l’Europe peut agir les élites démoralisent les démocraties nationales. En 1992, le président Mitterrand prend le risque d’un référendum pour préserver le traité de Maastricht et son cœur, une monnaie unique, de toute remise en cause ultérieure. Le jour où il annonce sa décision il me dit: «cela sera dur mais cela passera». Cela passe à 1% près, ce dont on aurait du se souvenir treize ans après.

Dans les années qui suivent, Maastricht, au lieu de répondre aux attentes concrètes exprimées par les peuples de l’Union, la quasi unanimité des gouvernements européens s’assigne comme priorité absolue l’entrée dans l’union, déjà élargie à quinze, des pays candidats d’Europe centrale, et orientale que l’effondrement de l’URSS a rendus à leur destin européen. Le Traité d’Amsterdam en 1997 vise à organiser cette union à 27. Il échoue. Les quinze y parviennent à Nice en décembre 2000 – des règles sont fixées – mais ce Traité est vite représenté comme insuffisant à la fois par l’Allemagne, qui veut voir son nouveau poids démographique mieux consacré par les traités, et par les milieux fédéralistes qui désespèrent de voir l’Union rester une «fédération d’états nations», pour reprendre l’expression de Jacques Delors. Pour les satisfaire, et sans que rien n’indique que c’est cela que les opinions attendent, il est alors décidé de réunir une «convention» formule censée être plus démocratique que la réunion des gouvernements démocratiques. Les milieux fédéralistes, qu’aucune réalité depuis cinquante ans ne décourage, et les idéalistes nominalistes obtiennent qu’elle n’ait pas à préparer un simple traité constitutionnel mais une «Constitution». Le terme est juridiquement impropre mais on espère qu’il va susciter l’enthousiasme et engendrer par son ambition sémantique, avec la «Charte de droits fondamentaux,» une réalité nouvelle, une conscience commune, voire un peuple européen.

Cependant les états membres sont toujours souverains, même si ils exercent en commun leur souveraineté. Un traité entre eux ne peut être donc ratifié qu’à l’unanimité. Pour qu’il puisse l’être à la majorité, il faudrait que cela ait été décidé par eux au préalable à l’unanimité, ce qui n’est pas le cas. Il faut donc 27 ratifications. Il y en a aujourd’hui 18. Le rêve, ou la chimère, s’est brisée en 2005 sur les non français et néerlandais. Au moins deux ou trois autres pays auraient sans doute voté non s’ils en avaient eu l’occasion dont la Grande-Bretagne, presque certainement. Ce coup d’arrêt a donné lieu à une myriade de commentaires contradictoires. Mais, le fait est que nous en sommes là et qu’aucune invocation émue du bilan, du chemin parcouru, aucune dénonciation des votes négatifs, ou de la frilosité supposée des peuples, aucun appel à l’audace, à l’imagination, ne fournit à lui seul de solution toute faite de relance.

A de rarissime exceptions près – comme l’actuel président tchèque – les Européens ne remettent pas en cause ce qui a été accompli en leur nom, ou par eux, depuis cinquante ans. Il n’y a quasiment plus en Europe de vrais-anti-européens même si il y a beaucoup d’européens tièdes, prudents, désabusés, ou devenus sceptiques. En tout cas, le clivage entre pro et anti-européens est trop simple. Les militants d’une intégration politique très poussée estiment être les seuls à pouvoir se dire «Européens», à l’exclusion des autres sortes de pro-européens. Mais rien ne justifie cette prétention. En revanche il est bien vrai, et c’est le cœur du problème actuel, que les Européens divergent aujourd’hui sur plusieurs points d’avenir essentiels.

Je ne peux pas ne pas mentionner d’abord le vif débat interne à chaque état membre sur l’ampleur et la nature des réformes économiques et sociales à accomplir pour s’adapter à la mondialisation, mieux en tirer parti ou encore s’en protéger. Ce débat est décisif. Il n’est pas sans lien avec le projet européen dans la mesure où certains, majoritaires en Europe, dominants au sein de la commission, estiment que le rôle de l’Union est d’accélérer ces réformes tandis que d’autres, très nombreux en France, estiment, à l’inverse, que l’Union devrait faire barrage aux excès de la dérégulation libérale et construire une Europe «sociale». Mais ce n’est pas ce grand débat qui handicape en tant que telle une relance européenne, même si il a lourdement pesée, et semé la confusion dans la campagne référendaire française. Cela se règlera pays par pays. Les désaccords qui paralysent les européens aujourd’hui ce sont ceux qui portent sur l’identité de l’Europe, sur son rôle dans le monde et dans l’immédiat sur les institutions européenne.

D’abord l’identité et les frontières. L’Union à 27 négocie avec la Turquie, la Croatie et la Macédoine et a fait des promesses aux autres pays des Balkans occidentaux. Au-delà le désaccord reste entier entre ceux, comme la Grande-Bretagne, qui ne se soucient pas de l’identité européenne – question théorique à ses yeux – et estiment qu’il n’y a pas à fixer de limites ou de frontières à l’Union, ni aujourd’hui, ni demain, et ceux, comme la France, qui estiment qu’il n’y a pas de construction politique cohérente et appropriable par ses citoyens sans une assise géographiquement définie. Aujourd’hui presque tous les états membres acceptent la nécessité d’une «pause», dans l’élargissement mais la question n’est pas tranchée dans son principe même si la France s’est dotée, avec la ratification référendaire obligatoire de tout nouvel élargissement d’un moyen brutal de la trancher de facto.

Ensuite le degré d’intégration politique. Là aussi le désaccord persiste entre ceux – Grande-Bretagne et la plupart des nouveaux pays membres- pour qui l’intégration actuelle est largement suffisante voire excessive et ceux pour qui elle n’est qu’une étape et qui restent animés, même s’ils n’emploient plus tellement ce mot, à l’exception du PM belge M. Verhofstadt par l’espérance fédéraliste de voir se créer un jour des «Etats-Unis d’Europe» en dépassant les états nations. Le paradoxe est que le Traité constitutionnel constituait une bonne base de compromis, entre ces divers groupes. La répartition claire et stable des pouvoirs entre l’Union européenne et états nations reste en tout cas à fixer. Cette incertitude est anxiogène pour les peuples comme l’est l’élargissement sans limites.

Le rôle dans le monde. Là non plus, il n’y a pas de réel consensus entre européens. Certes tous les européens sont pour la paix, la démocratie et les droits de l’homme et Javier Solana incarne vaillamment la partie commune de leurs politiques étrangères. Mais il n’y a, accord entre les 27, ni sur une Europe puissance à la française, qui est contestée par hédonisme, ingénuité ou atlantisme. Ni sur ce que ferait cette Europe puissance vis-à-vis des Etats-Unis, de la Russie ou de la Chine ou encore au Proche-Orient. Certains de ceux qui y sont favorables croient que les mécanismes de la PESC et de la PESC finiront par accoucher de cette Europe puissance et mettent en avant quelques premières réalisations. D’autres, dont je fais partie, pensent que les honorables résultats actuels ne suffiront pas, qu’il faudra un saut qualitatif et un accord politique entre les grands pays européens sur la politique étrangère de ce nouveau pôle du monde de demain. Si nous ne voulons pas que le monde multipolaire se fasse sans nous!

Mais aujourd’hui le blocage le plus évident porte sur les perspectives institutionnelles. Les institutions fonctionnent mais il n’y a pas consensus sur la suite. Un mois et demi après le début de la présidence allemande, il existe des propositions de relance européenne très différentes. Essayons d’y voir clair:

– Une première distinction est à établir entre ceux qui s’accommodent – faute de mieux ou par préférence réelle – du statu quo institutionnel et les autres.

Dans le premier groupe on trouve à la fois ceux qui pensent que l’on peut vivre avec le traité de Nice, et ceux qui pensent qu’on n’a pas le choix, car il n’y aura pas unanimité sur un autre texte. Les britanniques s’en satisfont, les polonais aussi.

Sans être hostiles à une réforme des institutions, plusieurs Français pensent que même dans le cadre des institutions actuelles, il est de toute façon possible de lancer de nouveaux grands projets: nouvelles politiques communes à 27, si un accord budgétaire est trouvé, coopération renforcées dans la zone euro ou sur d’autres sujets, projets intergouvernementaux à géométrie variable. C’est ce que j’ai appelé des juin 2005 «l’Europe des projets», ce dont Ségolène Royal a parlé sous le nom «d’Europe par la preuve», ou encore Dominique de Villepin sans celui «d’Europe des résultats».

Les partisans d’une relance prioritaire institutionnelle rétorquent que cela ne suffit pas et que, ne serait-ce que pour décider de nouveaux projets, un nouveau traité est une nécessité.

Les partisans de la réforme institutionnelle –ils ne disent plus «constitutionnelle» forment un groupe plus important:
– D’abord, il y a ceux qui espèrent encore que le traité constitutionnel pourra être ratifié. Tous les européens, en effet, n’ont pas abandonné l’espoir de voir les Français et les Néerlandais revoter, et voter oui. C’était peut-être l’arrière-pensée des 18 pays qui ont déjà ratifié le Traité constitutionnel et se sont réunis à Madrid en janvier pour exercer une pression morale sur les pays qui ont voté «non». Espoir vain: il n’y aura pas de nouveau vote en France et aux Pays-Bas sur le même texte et de toute façon il y aurait toujours les incertitudes britanniques, polonaises et tchèques. Il n’est pas pensable non plus de voir les dix huit pays qui ont déjà ratifié le traité avancer seuls sans la France et les Pays-Bas.

– Je mentionnerai, ensuite ceux qui pensent possible de faire ratifier par les parlements des pays qui ont voté «non» un «petit traité» c’est-à-dire les dispositions purement institutionnelles et, en principe, non controversées, du Traité constitutionnel non ratifié. Nicolas Sarkozy a avancé une telle proposition. Mais ce n’est pas si simple. Déjà des voix se sont élevées en Europe contre le principe même d’un «petit traité», par exemple l’Espagne. Tous les états ne sont pas d’accord sur ce qu’il faudrait garder, ou retirer, du traité constitutionnel (option dite du traité «moins»). D’autres voudraient ajouter à ce «petit traité» institutionnel des éléments nouveaux, et notamment – «un protocole social» (option dite du Traité «plus») par exemple Ségolène Royal. L’appel de Florence est à ranger dans cette catégorie. C’est dire que la conférence intergouvernementale réunie pour se mettre d’accord rapidement sur un «petit traité», se trouverait, en fait, engagée dans une négociation mélangeant le plus et le moins, en fait une vraie renégociation. Ensuite, comment ratifier ce «petit traité»? Certains envisagent pour le ratifier, le recours à un nouveau référendum, mais la majorité ne veut pas reprendre ce risque.

– Enfin viennent ceux qui estiment nécessaire de négocier un vrai nouveau traité institutionnel et sont prêts à prendre le risque d’une nouvelle négociation. Beaucoup en France y ajoutent la demande d’un traité social. Pourtant cet objectif n’est pas devenu plus facile à atteindre qu’auparavant: la confusion entre le cadre (les institutions, les traités) et les politiques a été néfaste au traité constitutionnel. Et le désaccord reste grand entre la France et ses partenaires, et même entre la gauche française et les gauches européennes, sur le contenu d’un traité social.

– Mentionnons enfin que certains groupes comme le think tank «Confrontations» de Philippe Herzog essaient d’articuler réforme institutionnelle et projets dans ce qu’il appelle un «Acte unique de projets» par référence à l’Acte unique de Jacques Delors en 1986.

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Comment sortir de ce labyrinthe? La majorité des états membres s’attend maintenant à ce que l’Allemagne se résigne à l’impossibilité de faire ratifier tel quel par les 27 le Traité constitutionnel mais qu’elle propose au conseil européen de juin, qui conclura sa présidence, la négociation relativement rapide, par une conférence intergouvernementale aussitôt réunie, d’un traité simplifié qui conserverait la «substance» du Traité constitutionnel. Pour l’Allemagne cette substance c’est d’abord la double majorité (le calcul démographique la fait passer de 9 à 18% des voix), les principes généraux de la répartition des compétences dans l’Union, qui confortent le fédéralisme allemand, la présidence durable du conseil, le ministre européen des affaires étrangères, la Charte des droits fondamentaux. Cette négociation, que l’on espère facile et brève, étant censée aboutir au plus tard fin 2008, sous présidence française. On prête à Nicolas Sarkozy le projet d’aller encore plus vite et de faire passer au parlement français, sans attendre, les parties réputées non contestées du Traité. Mme Royal de son côté a évoqué au terme de la renégociation, la possibilité d’un nouveau référendum. De toute façon c’est certainement la proposition allemande de méthode qui fera consensus en juin, à l’issue de sa présidence. Quelle que soit la voie empruntée, une incertitude persistera, au moins jusqu’en 2008, sur la ratification de cet éventuel retour texte, car aucun des scénarios que j’ai évoqués n’est assuré de réussir sans préparation adéquate.

Je suis convaincu que les opinions françaises et néerlandaises seraient plus réceptives à une relance institutionnelle si elles étaient rassurées auparavant quant à la non poursuite, en tout cas pour un moment, d’élargissements nouveaux. Et que l’opinion européenne, dans son ensemble, comprendrait mieux l’utilité de cette réforme institutionnelle si elle apparaissait indispensable à la mise en œuvre de nouvelles politiques ou de nouveaux grands projets européens et non pas comme une fin en soi. On peut imaginer la séquence suivante:
1) Annonce de la pause sur les élargissements;
2) Annonce de projets et de politiques nouvelles (énergie écologie, gestion économique de la zone euro, etc …
3) Traité institutionnel simplifié ratifié par les Parlements;
4) «Acte unique» de projets.

Mais je ne sais pas si les actuels gouvernements des 27 se soucieront de ces préalables avant de se relancer dans un processus institutionnel. En ce qui concerne le projet d’Europe puissance, et le rôle de l’Europe dans le monde, ce n’est d’ailleurs pas un préalable à un accord institutionnel, mais une nécessaire clarification qui en cinq ou dix ans devait accompagner une nouvelle phase européenne.

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Mesdames, Messieurs, j’ai essayé de vous présenter un état objectif de l’Union et un tableau synthétique des propositions de relance actuellement sur la table allant du moins institutionnel, au plus institutionnel. Vous entendrez au cours du Forum quelques-uns des candidats à la Présidence de la République française et plusieurs personnalités françaises et européennes de premier plan. Vous écouterez les débats des six séances plénières et poserez des questions plus la séance de clôture. Chacun de vous, à partir de là, pourra approfondir sa réflexion et, le cas échéant, adapter son action.

Que les Européens aient très besoin d’une Europe unie pour mieux défendre leurs légitimes intérêts, et propager leurs idées et leurs valeurs dans le monde global, c’est l’évidence même!

Que le monde ait besoin, pour faire face à l’urgence écologique, pour enrayer le risque de clash des civilisations, et imposer à l’économie globale de marché des règles éthique, sociales, et environnementales, d’une Europe qui saurait qui elle est et ce qu’elle veut et qui s’en donne les moyens, est non moins évident. On constate d’ailleurs une vraie demande d’Europe un peu partout dans le monde.

Mais tout cela nous n’y parviendrons pas par des incantations, ni en nous émouvant sur les étapes glorieuses de la construction européenne. Nous y parviendrons si les Européens refusent d’être les simples spectateurs d’un monde multipolaire qui se ferait sans eux et chacun faisant un compromis sur l’identité et les limites de l’Europe, sur l’organisation du pouvoir et de la démocratie en Europe, sur le rôle de celle-ci dans le monde et si du coup, la réforme institutionnelle parait la condition logique de cette ambition et non une fin en soi. Je crois que c’est indispensable. Je crois aussi que c’est possible, sinon je ne serais pas ce soir parmi vous. Et je suis sûr que ce Forum, avec votre participation à tous, y contribuera.

source:https://www.hubertvedrine.net Homepage > Publications > Etat de l’Union européenne et perspectives de relance
10/02/2007