« Il faut repenser la relation avec la Turquie »

LE FIGARO. – La rupture est-elle consommée entre la Turquie et l’Union européenne?

Hubert VÉDRINE. – Il existe depuis l’origine un malentendu, qui n’est pas seulement de la faute des Turcs mais aussi de la nôtre. Un traité d’adhésion de la Turquie n’aurait jamais été ratifié par les États membres. Nous devons nous libérer de cette situation embarrassante et mettre fin à l’hypocrisie. Nous devons dire à la Turquie qu’elle n’a pas vocation à entrer dans l’UE. Et instaurer à la place un partenariat stratégique avec ce pays.
Dans tous les cas, il y aura une crise à la sortie. La question est de savoir qui la provoquera. Aujourd’hui, il semble que ce soit plutôt la Turquie, car les Européens sont paralysés par la question de la gestion des réfugiés. L’Union doit se libérer de cette contrainte en refaisant un Schengen plus efficace, afin de ne plus avoir à subir le chantage exercé par Erdogan. Le moment est venu de penser à un autre type de relation avec la Turquie. Cette clarification sera pénible. Mais elle sera salutaire.

La Grande-Bretagne est-elle perdue à jamais pour l’Union européenne?

Pas forcément. Je ne suis pas entièrement convaincu que le Brexit arrivera à son terme. Aujourd’hui, les relations sont dures. Mais on ne peut pas exclure que, dans un an et demi, les Britanniques renoncent à sortir de l’UE s’ils se rendent compte que ça ne marche pas comme ils l’entendaient. Je ne suis pas sûr que les Européens garderont la même attitude punitive et vengeresse vis-à-vis d’eux. Mais si le Brexit va à son terme, il y aura un vrai défi pour l’Europe. Elle devra se réformer profondément. Même si le Brexit n’a pas pour l’instant eu d’effet d’entraînement, ce n’est pas pour ça que l’Europe va bien. La situation reste périlleuse.

L’Union a-t-elle pris le chemin des réformes à l’occasion du 60e anniversaire du traité de Rome?

Non, la rencontre de Rome n’a pas répondu aux problèmes posés. La priorité absolue est de combler le fossé entre les peuples et les élites européistes. Cette rupture est une menace plus grave pour l’Europe que les provocations de Poutine, les absurdités de Trump et la gestion des flux migratoires. La question est essentiellement interne. Cela fait plus de vingt ans que les élites regardent les peuples de haut lorsqu’ils disent vouloir conserver de l’identité, de la souveraineté, de la sécurité. Comme le dit Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, il est impossible de ne jamais tenir compte des peuples. Le système européen doit cesser de mépriser les peuples, de faire passer les intérêts nationaux pour des égoïsmes nationaux.

« Il faut repenser la relation avec la Turquie »

Hubert Vedrine

« Il faut repenser la relation avec la Turquie »

LE FIGARO. – La rupture est-elle consommée entre la Turquie et l’Union européenne?

Hubert VÉDRINE. – Il existe depuis l’origine un malentendu, qui n’est pas seulement de la faute des Turcs mais aussi de la nôtre. Un traité d’adhésion de la Turquie n’aurait jamais été ratifié par les États membres. Nous devons nous libérer de cette situation embarrassante et mettre fin à l’hypocrisie. Nous devons dire à la Turquie qu’elle n’a pas vocation à entrer dans l’UE. Et instaurer à la place un partenariat stratégique avec ce pays.
Dans tous les cas, il y aura une crise à la sortie. La question est de savoir qui la provoquera. Aujourd’hui, il semble que ce soit plutôt la Turquie, car les Européens sont paralysés par la question de la gestion des réfugiés. L’Union doit se libérer de cette contrainte en refaisant un Schengen plus efficace, afin de ne plus avoir à subir le chantage exercé par Erdogan. Le moment est venu de penser à un autre type de relation avec la Turquie. Cette clarification sera pénible. Mais elle sera salutaire.

La Grande-Bretagne est-elle perdue à jamais pour l’Union européenne?

Pas forcément. Je ne suis pas entièrement convaincu que le Brexit arrivera à son terme. Aujourd’hui, les relations sont dures. Mais on ne peut pas exclure que, dans un an et demi, les Britanniques renoncent à sortir de l’UE s’ils se rendent compte que ça ne marche pas comme ils l’entendaient. Je ne suis pas sûr que les Européens garderont la même attitude punitive et vengeresse vis-à-vis d’eux. Mais si le Brexit va à son terme, il y aura un vrai défi pour l’Europe. Elle devra se réformer profondément. Même si le Brexit n’a pas pour l’instant eu d’effet d’entraînement, ce n’est pas pour ça que l’Europe va bien. La situation reste périlleuse.

L’Union a-t-elle pris le chemin des réformes à l’occasion du 60e anniversaire du traité de Rome?

Non, la rencontre de Rome n’a pas répondu aux problèmes posés. La priorité absolue est de combler le fossé entre les peuples et les élites européistes. Cette rupture est une menace plus grave pour l’Europe que les provocations de Poutine, les absurdités de Trump et la gestion des flux migratoires. La question est essentiellement interne. Cela fait plus de vingt ans que les élites regardent les peuples de haut lorsqu’ils disent vouloir conserver de l’identité, de la souveraineté, de la sécurité. Comme le dit Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, il est impossible de ne jamais tenir compte des peuples. Le système européen doit cesser de mépriser les peuples, de faire passer les intérêts nationaux pour des égoïsmes nationaux.

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21/04/2017